Points clés
- Il n’existe pas de définition légale de la faute professionnelle conduisant à une procédure disciplinaire
- La faute disciplinaire résulte d’un manquement à une obligation professionnelle, ou déontologique prévue par la loi, la jurisprudence ou d’autres normes (telles que règlement intérieur, charte…) ; elle est a fortiori constituée lorsqu’elle résulte d’un agissement relevant d’une infraction pénale
- La commission de violences sexistes et sexuelles relève d’une faute. Les VSS sont constitutives d’une faute puisqu’elles sont proscrites en droit
La commission de violences sexistes et sexuelles relève d’une faute
Les VSS sont constitutives d’une faute puisqu’elles sont proscrites en droit. L’interdit est posé par le code général de la fonction publique (art. L. 133–1 et s.), par le code du travail (art.1153–1 et s) et par le code pénal (art. 222–22 et s).
Outre ces obligations générales, des obligations spécifiques liées au statut de la personne mise en cause peuvent également servir de fondement juridique à la qualification du comportement fautif.
Ainsi l’agent·e publique est tenu·e d’exercer ses fonctions « avec dignité, impartialité, intégrité et probité » (art. L121‑1 CGFP). De même, les étudiant·es (usager·ères) doivent respecter la charte de l’établissement, le règlement intérieur ou le code de l’éducation qui prescrit de ne pas porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement, à l’image, à la réputation de l’établissement (art. R 811–11 C. éduc.).
C’est sur le fondement de ces textes, qu’ont, par exemple, été reconnus fautifs :
- Des faits « de harcèlement moral et sexuel à l’encontre de plusieurs étudiantes, comportement portant atteinte au bon ordre et à l’image de l’Université » ; la décision attaquée précise que les échanges que Monsieur XXX [étudiant] « entretenait avec trois de ses camarades de master et deux étudiantes en licence d’anglais par réseaux sociaux ou SMS interposés, se caractérisaient par des propos à connotation sexuelle de sa part ; que ces propos, faisant notamment allusion à un viol par sodomie, tenus, pour les plus connotés, durant les cours, ont créé chez les victimes un malaise peu propice au travail universitaire… que les propos de Monsieur XXX, par leur caractère insistant, répétitif et intrusif, étaient de nature à créer une pression sur les étudiantes auxquelles il s’était adressé… que les étudiantes se sont senties mal à l’aise au point d’en avertir le corps enseignant… que Monsieur XXX ne nie pas les faits mais en conteste l’interprétation et la qualification qui en est faite et prétend que ces propos n’avaient pas de visée sexuelle mais seulement humoristique » (CNESER, 6 av. 2023, Bulletin officiel n° 21 du 25 mai 2023).
- Le fait de méconnaître « le devoir d’exemplarité qui s’imposait à lui et fait la preuve de son incapacité à exercer ses fonctions de professeur des universités, en cherchant à entretenir avec des étudiantes, contre leur volonté, des relations intimes et inappropriées, en adoptant un comportement brutal et arbitraire à l’encontre d’étudiants, en adressant des messages électroniques diffamatoires ou insultants à ses collègues » (CE, 9 octobre 2020, n°425459).
- Le fait d’avoir eu « lors d’un de ses cours, une attitude humiliante à l’égard de deux étudiants, comportant des allusions personnelles à caractère sexuel, de nature à porter atteinte à leur dignité » (CE 21 juin 2019, n° 424582).
Dans tous ces exemples, les faits fautifs relèvent également du droit pénal ; ce n’est toutefois pas nécessairement le cas. Ainsi, commet une faute déontologique un·e professeur·e qui sort des « relations amicales » avec un·e étudiante en ce qu’il ne respecte pas la « distance requise » attendue entre un·e professeur·e et son élève. Le Conseil d’État entérine la décision du CNESER qui a jugé que M. A. maître de conférences avait commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, faute de « conserver la distance requise » et de « s’imposer des règles de conduite très strictes ». Ce dernier avait, au cours d’une « mission de fouilles archéologiques qu’il dirigeait à Oman en décembre 2013 et janvier 2014, invité à de nombreuses reprises une de ses étudiantes dans sa chambre la nuit pour de longues conversations personnelles et que, au cours de ces rencontres, s’il n’y a pas eu de relations sexuelles, ” certains [de ses] gestes ont dépassé le cadre d’une relation amicale ” » (CE 18 déc. 2017, n° 396256).
En outre, les autres étudiant·es de ce professeur pourraient redouter un manque d’impartialité de la part de l’enseignant·e, voire une rupture d’égalité entre les élèves.
Qu’en est-il des VSS commises à l’extérieur de l’établissement ?
Les faits fautifs commis par l’agent·e ou l’usager·ère dans sa vie privée et en dehors de l’établissement peuvent également donner lieu à une sanction disciplinaire. Il convient dans ce cas de prouver qu’il existe un lien avec l’établissement, c’est-à-dire que les faits fautifs ont eu des conséquences au sein de celui-ci.
Ainsi ont été sanctionnés des faits incompatibles avec les fonctions du mis en cause, de nature à jeter le discrédit sur la fonction exercée ou à porter atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement.
Tels par exemple que :
- « Les faits de violences volontaires avec usage ou menace d’une arme qu’il est reproché à l’intéressé d’avoir commis à l’encontre d’un autre étudiant de la même promotion de l’université, bien que commis en dehors de l’enceinte de l’établissement, ont eu un retentissement tant sur le climat régnant entre les étudiants de l’université, que sur la santé et la scolarité de la victime. Ces faits étaient, ainsi, de nature à porter atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’établissement » (CE, 27 février 2019, n° 410644, M. Merlo, Lebon p. 770 ; AJDA 2019. 488).
- Le fait pour un fonctionnaire d’avoir une relation sexuelle avec une collègue en situation de vulnérabilité, alors qu’il s’était rendu au domicile de cette dernière dans le cadre de ses fonctions d’assistant social (CE, 27 mars 2020, n° 427868).
Conséquences d’une faute disciplinaire
Interdites, qualifiables de fautes, les VSS sont de nature à justifier des sanctions disciplinaires prononcées à l’issue d’une procédure disciplinaire dont les modalités varient selon le statut de la personne mise en cause. Pour les fonctionnaires, le CGFP dispose que « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Les dispositions de cet article sont applicables aux agents contractuels » (Article L530‑1 CGFP).
Sources
- Obligation de neutralité : Article L. 121–2 du CGFP / le conflit d’intérêt L121.3
- Guide, Procédure disciplinaire à l’égard des usagers, DGESIP B1‑2, mars 2021.
- Les arrêts cités