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Indépendance des procédures disciplinaires et pénales

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Points clés

  • Les procé­dures pénales et dis­ci­plinaires sont totale­ment indépen­dantes les unes des autres.
  • Seul un juge­ment pénal défini­tif qui con­stat­erait qu’un fait n’a pas existé ou est inex­act s’impose aux instances ou juri­dic­tions admin­is­tra­tives stat­u­ant en matière dis­ci­plinaire.

Pen­dant de longues années, les admin­is­tra­tions se sont régulière­ment retranchées der­rière l’existence de procé­dures pénales pos­si­bles pour les vic­times afin de ne pas agir en interne : elles leur inti­maient d’aller dépos­er plainte et leur accor­daient, de manière très aléa­toire, la pro­tec­tion fonc­tion­nelle pour la prise en charge des hon­o­raires d’avocat dans le cadre de leur plainte pénale.

Or, le dépôt de plainte est un droit, jamais une oblig­a­tion.

L’employeur·e est tenu·e de respecter ses oblig­a­tions de pro­tec­tion de la san­té et de la sécu­rité des agent.es publiques indépen­dam­ment de toute procé­dure pénale.

Le Con­seil d’État a statué depuis longtemps sur la qua­si absence d’autorité de la « chose jugée » au pénal sur le droit admin­is­tratif : « pour relax­er M. X… des fins des pour­suites dirigées con­tre lui sous la préven­tion d’homi­cide et blessures par impru­dence et d’omis­sion de porter sec­ours à des per­son­nes en péril, la cour d’ap­pel d’Aix-en-Provence s’est seule­ment fondée sur ce que l’ensem­ble des élé­ments de ces dél­its n’é­tait pas réu­ni en l’e­spèce, mais n’a nulle­ment con­staté l’inex­ac­ti­tude matérielle des faits qui ont servi de fonde­ment à l’ac­tion dis­ci­plinaire (…) ain­si, en déci­dant de révo­quer M. X… de ses fonc­tions, la maire d’A­jac­cio n’a pas mécon­nu l’au­torité absolue de la chose jugée qui s’at­tache aux con­stata­tions matérielles des juri­dic­tions répres­sives » (CE. 24 octo­bre 1986, Rec. n° 59929).

Le principe est d’abord légal. L’article L530‑1 du code général de la fonc­tion publique dis­pose :

« Toute faute com­mise par un fonc­tion­naire dans l’ex­er­ci­ce ou à l’oc­ca­sion de l’ex­er­ci­ce de ses fonc­tions l’ex­pose à une sanc­tion dis­ci­plinaire sans préju­dice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Les dis­po­si­tions de cet arti­cle sont applic­a­bles aux agents con­tractuels ».

Ain­si un·e agent·e peut être sanctionné·e pour des faits fau­tifs alors qu’il.elle a été relaxé·e au pénal pour les mêmes faits.

Cette posi­tion a déjà été affir­mée en matière de har­cèle­ment sex­uel, la Cour admin­is­tra­tive d’appel de Nantes ayant décidé que :

« La déci­sion de révo­ca­tion [d’un agent, pour har­cèle­ment sex­uel] prise par le prési­dent […] n’est pas une sanc­tion man­i­feste­ment dis­pro­por­tion­née nonob­stant la cir­con­stance que M. X a été relaxé du chef d’inculpation de har­cèle­ment moral et sex­uel à l’égard de l’un des agents féminins […] par un juge­ment du tri­bunal cor­rec­tion­nel de Chartres […] lequel, eu égard à ses motifs, n’a d’ailleurs pas autorité de chose jugée en ce qui con­cerne l’établissement par l’autorité admin­is­tra­tive des faits de har­cèle­ment reprochés à l’intéressé »[1].

Plus récem­ment, le Con­seil d’État est encore venu réaf­firmer ce principe dans une affaire où un maire con­tes­tait sa révo­ca­tion prise sur la base d’une mise en exa­m­en devant un juge d’instruction. Il invo­quait l’atteinte à sa pré­somp­tion d’innocence :

« Toute­fois, la procé­dure dis­ci­plinaire est indépen­dante de la procé­dure pénale. Par suite, l’au­torité admin­is­tra­tive ne mécon­naît pas le principe de la pré­somp­tion d’in­no­cence, y com­pris dans l’hy­pothèse où c’est à rai­son des mêmes faits, étrangers ou non à l’ex­er­ci­ce des fonc­tions de maire, que sont engagées par­al­lèle­ment les deux procé­dures, en prononçant une sanc­tion sans atten­dre que les juri­dic­tions répres­sives aient défini­tive­ment statué »[2].

La seule excep­tion à l’indépendance des deux procé­dures, serait que le juge pénal con­state l’inexactitude matérielle des faits, c’est-à-dire par exem­ple, qu’ils n’ont pas existé.

L’issue d’une éventuelle procé­dure pénale est donc sans effet sur la procé­dure dis­ci­plinaire en cours. De même la qual­i­fi­ca­tion pénale retenue par le pro­cureur de la République ne s’impose pas dans l’enquête admin­is­tra­tive et/ou dis­ci­plinaire.

Les instances dis­ci­plinaires stat­uent entre autres sur l’existence d’une faute en se fon­dant sur les élé­ments de preuve recueil­lis lors des enquêtes internes ; elles stat­uent égale­ment sur le har­cèle­ment sex­uel, le har­cèle­ment moral et la dis­crim­i­na­tion.

Sources

Code général de la fonc­tion publique

[1]CAA Nantes, 19 oct. 2012, 11NT0242

[2]CE, Juge des référés, 03 sep­tem­bre 2019, 434072