Points clés
- En raison de leur statut particulier, les membres de l’enseignement supérieur mis en cause pour des faits fautifs sont jugé·e·s en première instance par la section disciplinaire de l’université émanant du conseil académique et, en appel, par le CNESER.
- La procédure disciplinaire aboutissant éventuellement à une sanction, doit être engagée dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle l’administration a connaissance des faits constitutifs de la faute de l’agent. L’action pénale interrompt ce délai.
- La sanction disciplinaire est différente de la sanction pénale ; elles peuvent se cumuler.
Définition
Une sanction disciplinaire est une mesure prise à l’encontre d’un·e agent·e ou d’un·e usager·ère qui a commis une faute et violé les obligations auxquelles il ou elle est tenu·e en vertu du Code général de la fonction publique et/ou du Code de l’éducation.
La sanction est prise à l’issue d’une procédure disciplinaire
Après l’enquête administrative, le·la président·e d’université peut convoquer le Conseil académique constitué en section disciplinaire afin d’engager la responsabilité de la personne mise en cause (Art. L. 712–6‑2 Code de l’éducation). Cette section apprécie les faits qui lui sont soumis et détermine s’ils sont fautifs.
Quelle sanction ?
Listées par l’article L 952–8 du Code de l’éducation, sept types de sanctions peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l’enseignement supérieur :
« 1° Le blâme ;
2° Le retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans au maximum ;
3° L’abaissement d’échelon ;
4° L’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieur pendant une période de deux ans au maximum ;
5° L’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche ou certaines d’entre elles dans l’établissement ou dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ;
6° La mise à la retraite d’office ;
7° La révocation. »
Les personnes à l’encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent également être frappées à titre accessoire de l’interdiction d’exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement.
La proportionnalité de la sanction par rapport aux faits
Il n’existe pas de table de correspondance entre faute et sanction. Chaque fait fautif est donc analysé en tenant compte du contexte dans lequel il a été commis.
Toutefois la sanction doit être proportionnelle à la faute commise et le Conseil d’État y veille. Selon sa formule, « Si le choix de la sanction relève de l’appréciation des juges du fond au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n’est pas hors de proportion avec la faute commise et qu’elle a pu dès lors être légalement prise ». « Hors de proportion » en raison de sa sévérité, ou de sa faiblesse. Ainsi, dans un arrêt du 30 décembre 2022 (n°465304), le Conseil d’État a‑t-il censuré une décision du CNESER qu’il a jugée trop légère en considération des faits en cause.
De même, il a jugé que la sanction de blâme n’était pas adaptée au fait que « d’une part, [M. A a proposé] à plusieurs étudiantes de son groupe de travaux dirigés, qui avaient sollicité un entretien avec lui à propos de la notation de leurs copies, de se rendre au restaurant ou de lui rendre visite à son domicile, en fin de semaine ou le soir, d’autre part, qu’il a proposé, lors d’un entretien en tête-à-tête, à une étudiante qui était souffrante de lui faire un massage, enfin, qu’il a assorti l’un de ses messages d’invitation à une soirée privée à l’une de ses étudiantes d’un commentaire sur son apparence physique et sur celui d’une de ses amies à qui était également destinée son invitation. »
Selon le Conseil d’État, « En jugeant que ces faits répétés à l’encontre de certaines étudiantes, qui ont créé une situation intimidante et offensante pour elles, n’étaient pas constitutifs de harcèlement sexuel, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a inexactement qualifié les faits de l’espèce et, eu égard à la nature de ces faits et à la relation d’autorité qui est celle d’un enseignant-chercheur avec ses étudiants ainsi qu’à l’exemplarité et l’irréprochabilité qui, par suite, lui incombent, retenu une sanction hors de proportion avec les fautes commises. » CE, 10 mars 2023, n°456602.
Caractéristiques de la décision de sanction
La décision doit bien-sûr être motivée.
Quatre éléments sont à prendre en compte pour apprécier le type de sanction prononcée : nature et étendue des fonctions dont l’exercice est interdit, périmètre de l’interdiction d’exercice, durée de celle-ci et étendue de la privation du traitement.
Notification de la décision de la section disciplinaire
Le·la président·e de la section disciplinaire notifie la décision à la personne contre laquelle les poursuites ont été intentées (par LRAR), au· à la président· de l’université et au·à la recteur·trice de région académique. Les plaignant·es et les personnes qui ont témoigné sont exclu·es de ce droit à notification…
Par ailleurs, la notification doit mentionner les voies de recours et les délais selon lesquels la décision peut être contestée.
Selon l’article R 712–45 du Code de l’éducation, « L’appel est suspensif sauf si la section disciplinaire a décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant appel. »
Publicité de la sanction
L’article R 712–41 du Code de l’éducation fixe les règles relatives à la publicité donnée à la sanction. Modifié par le décret du 5 sept. 2023, cet article dispose que « La décision, sous forme anonyme, est affichée à l’intérieur de l’établissement ou diffusée sur le site intranet de l’établissement accessible aux seuls agents de l’établissement. » Il est donc loisible à l’établissement de limiter drastiquement la publicité d’une sanction « aux seuls agents » excluant les étudiant·es.
Notons qu’avant le décret, une publicité plus large était organisée par le même article qui prévoyait que « La décision est affichée à l’intérieur de l’établissement. La section disciplinaire peut décider que cet affichage ne comprendra pas l’identité et, le cas échéant, la date de naissance de la personne sanctionnée. » Désormais la décision est nécessairement anonyme et n’est pas forcément affichée dans les locaux.
Recours contre une sanction
L’appel de la décision prononcée par la section disciplinaire peut être formé devant le CNESER par les personnes à l’encontre desquelles ces décisions ont été rendues, par le président de l’université, par le recteur de région académique ou par le ministre chargé de l’enseignement supérieur lorsque les poursuites concernent le président de l’université et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Notons que cette voie de recours n’est pas ouverte à la personne plaignante…
Le Conseil d’État est ensuite le juge de cassation des sanctions disciplinaires rendues par le CNESER dont il censure très fréquemment les décisions.
Durée de l’inscription de la sanction dans le dossier personnel du·de la fonctionnaire
Les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de personnels enseignants sont inscrites au dossier des intéressé·es. Le blâme et le rappel à l’ordre sont effacés automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune autre sanction n’est intervenue pendant cette période. (art. R712-42 du Code de l’éducation.)
Sources
Article L712‑6–2 Code de l’éducation
Article R 712 – Code de l’éducation
La jurisprudence citée