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Enregistrements à l’insu comme élément de preuve

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Point clé

  • Les enreg­istrements effec­tués à l’insu du « mis en cause » sont des preuves admis­si­bles dans les procé­dures dis­ci­plinaires et pénales

Avec l’apparition des nou­velles tech­nolo­gies, il est devenu extrême­ment sim­ple d’enregistrer une con­ver­sa­tion sans que l’interlocuteur s’en rende compte. Beau­coup de per­son­nes sont per­suadées qu’il s’agit d’un acte inter­dit ou d’une preuve illé­gale. En effet, le fait d’enregistrer une per­son­ne sans son con­sen­te­ment, est con­sti­tu­tive de l’infraction d’atteinte à l’intimité de la vie privée :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’a­mende le fait, au moyen d’un procédé quel­conque, volon­taire­ment de porter atteinte à l’in­tim­ité de la vie privée d’autrui :

1° En cap­tant, enreg­is­trant ou trans­met­tant, sans le con­sen­te­ment de leur auteur, des paroles pronon­cées à titre privé ou con­fi­den­tiel ; (…) » (Arti­cle 226–1 du Code pénal)

Néan­moins, le fait de l’admettre comme une preuve est une autre ques­tion.

En droit admin­is­tratif, le Con­seil d’État a validé ce mode de preuve juste­ment dans une procé­dure dis­ci­plinaire con­cer­nant un pro­fesseur d’Universités1.

L’Université Lyon 2 a pronon­cé une sanc­tion d’interdiction d’exercer les fonc­tions d’enseignement et de recherche pen­dant un an con­tre un pro­fesseur, en se bas­ant notam­ment sur trois enreg­istrements pris à son insu par une étu­di­ante. Le Pro­fesseur con­tes­tait et demandait devant le CNESER la sus­pen­sion de l’exécution de la déci­sion. Débouté par le CNESER, il a saisi le Con­seil d’État.

Ce dernier a validé le moyen de preuve : « (…) les con­di­tions de cet enreg­istrement, qui ne sont en tout état de cause, pas imputa­bles à l’u­ni­ver­sité, ne pou­vaient faire obsta­cle à ce que son con­tenu soit soumis au débat con­tra­dic­toire ». Les mag­is­trats esti­ment par ailleurs que l’u­ni­ver­sité n’a pas mécon­nu son oblig­a­tion de loy­auté à l’é­gard de l’enseignant en retenant ces élé­ments de preuve.

En droit pénal, la preuve est entière­ment libre, dès lors qu’elle peut être débattue de manière con­tra­dic­toire. La plus haute juri­dic­tion l’a rap­pelé dans le cadre de l’affaire Bet­ten­court : « les enreg­istrements audios obtenus à l’insu d’une per­son­ne sont recev­ables en jus­tice en tant que preuve afin de porter plainte con­tre cette per­son­ne au titre d’infractions pénales dont elle se serait ren­due coupable et sans que le droit au respect de la vie privée ni même la vio­la­tion du secret pro­fes­sion­nel puisse val­able­ment con­stituer une lim­ite »2.

La dif­fi­culté pour les per­son­nes vic­times c’est qu’elles pren­nent le risque d’être pour­suiv­ies par la per­son­ne qu’elles met­tent en cause, pour le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Mais là encore, elles ont moyen de se défendre en invo­quant un fait jus­ti­fi­catif : l’état de néces­sité.

L’état de néces­sité est con­sti­tué lorsqu’une per­son­ne com­met une infrac­tion pour con­tr­er un dan­ger qui la con­cerne ou con­cerne autrui et que cette infrac­tion était néces­saire et pro­por­tion­née pour faire face au dan­ger.

Or, enreg­istr­er à son insu une per­son­ne qui com­met des vio­lences sex­istes et sex­uelles afin de pou­voir démon­tr­er les vio­lences, sera facile­ment recon­nu comme un moyen néces­saire et pro­por­tion­né, s’agissant d’actes com­mis la majorité du temps sans témoins.

Quoi qu’il en soit en matière pénale, les enreg­istrements réal­isés à l’insu d’une per­son­ne peu­vent servir à motiv­er les sanc­tions rel­a­tives à du har­cèle­ment sex­uel dans l’ESR.

Sources

  • Codé pénal : arti­cle 226–1
  • Jurispru­dence : Con­seil d’É­tat, 4ème cham­bre, 21 juin 2019, 424593 ; Cass. Crim., 31 jan­vi­er 2012, n° 11–85464

Voir aussi

Pour aller plus loin :

https://www.avft.org/2019/01/24/recevabilite-denregistrements-clandestins-des-instances-disciplinaires-creusent-une-breche-a-quand-en-droit-social