Points clés
- Les règles de prescription pénale diffèrent selon la nature de l’infraction (contravention, délit, crime) et de l’âge de la victime
- Les délais de prescription pénale sont différents des délais relatifs à la prescription en matière disciplinaire ou de la prescription civile
- De multiples lois sont intervenues modifiant les délais de prescription, ce qui rend complexe le calcul de celle-ci
Définition
La prescription pénale est une règle posant qu’au-delà d’un délai prévu par le Code de procédure pénale, il n’est plus possible de poursuivre pénalement la personne ayant commis une infraction.
Les délais de prescription
Le délai de prescription des poursuites varie selon la gravité de l’infraction et de l’âge de la victime.
Si l’infraction a été commise contre une personne majeure, la prescription est de 1 an pour une contravention (article 9 du Code de procédure pénale), 6 ans pour un délit (article 8 du CPP), 20 ans pour un crime (article 7 du CPP). A titre d’exemples, l’injure non publique est une contravention, le harcèlement sexuel constitue un délit et le viol, un crime.
Si l’infraction a été commise contre une personne mineure, elle est de 1 an pour une contravention (article 9 du Code de procédure pénale), 20 ans pour un délit (article 8 du CPP), 30 ans pour un crime (article 7 du CPP). Ces délais commencent à courir à compter de ses 18 ans pour les délits et crimes.
En outre, depuis la loi du 21 avril 2021, un nouveau mécanisme, dit de « prescription glissante », permet de reporter le délai de prescription en cas de viol ou d’agression sexuelle de type sériel. C’est-à-dire que si le même agresseur commet sur un·e autre mineur·e, avant l’expiration du délai de prescription de la première infraction, un nouveau viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle, le délai de prescription du premier crime ou délit est prolongé, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.
D’autres délais sont par ailleurs prévus en cas d’infraction occulte ou dissimulée (art. 9–1 C. proc.pen.) par exemple.
L’interruption de la prescription
La prescription peut être interrompue notamment par un acte de poursuite (dont un·e procureur·e de la République est à l’origine), un acte d’instruction (une ordonnance d’expertise par exemple) ou une décision de justice (cf. art. 9 – 2 C. proc. pén.).
Enfin, dans les affaires présentant un caractère sériel, c’est-à-dire lorsqu’une personne agresse plusieurs victimes — Affaire du violeur de la Sambre par exemple ; nous savons que les agresseurs sont souvent des réitérants -, il est possible de s’appuyer sur la connexité des infractions pour interrompre la prescription.
« Doivent être considérées comme connexes les infractions qui […] procèdent d’une même conception, relèvent du même mode opératoire et tendent au même but ». Dans ce cas, un acte interruptif de prescription concernant une infraction a un même effet à l’égard d’une autre infraction lorsque celle-ci est connexe. (Cass. crim. 18 janvier 2006, 05–85.858). Il s’agit alors de rechercher s’il existe des victimes « non prescrites » et de relier les affaires afin de profiter de cette voie ouverte par le dernier alinéa de l’article 9–2 C. proc. pén.
Cette voie a été plaidée avec succès devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles dans la procédure à l’encontre du journaliste P. Poivre d’Arvor, mis en cause pour agression sexuelle et viol par 22 femmes sur une période allant de 1985 à 2017 (Versailles, 10ème ch., 28 juin 2022).
Dans ce cas, un nouveau délai repart à partir de cet acte ou décision.
Calcul de la prescription
Savoir si une infraction est prescrite peut s’avérer difficile, en raison de la succession des lois modifiant le régime de la prescription, surtout si elle a été commise à l’encontre de mineur·e·s.
Des personnes ont développé des outils sur internet (voir par exemple celui-ci : https://eleurent.github.io/prescription/).
Ces outils doivent être considérés comme des aides au calcul ; ils ne sauraient se substituer à la consultation de professionnel·le·s du droit.
Les conséquences de la prescription
Lorsque le temps a passé et que la prescription est acquise, l’action publique est éteinte. Cela signifie que l’infraction ne peut plus être poursuivie devant les tribunaux. Cette impossibilité de poursuivre pénalement une personne mise en cause pour agression sexuelle en raison du temps écoulé est contestée par nombres de victimes et d’associations féministes ou de protection de l’enfance.
Pour contourner la prescription, une autre procédure est possible. Devant les juridictions civiles cette fois. Elle vise à faire reconnaître le préjudice subi du fait des agressions sexuelles en l’indemnisant.
Il existe aussi un délai pour engager des procédures civiles extracontractuelles, il est de 10 ans, ou de 20 ans en cas de tortures, d’actes de barbarie, de violences ou d’agressions sexuelles commises contre un·e mineur·e. (art. 2226 C. civ.)
Toutefois, en la matière, il ne commence à courir qu’à partir de la date de la consolidation du dommage physique ou psychique. Or, compte tenu de l’impact traumatique des violences sexuelles, la consolidation du dommage est souvent longue et retarde d’autant le point de départ de la prescription civile.
Critiques et perspectives
Certains pays ont choisi de déclaré imprescriptibles les crimes et délits contre les personnes
En France, le débat est vif. À suivre…
Sources
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31982
- Code de procédure pénale
Voir aussi
Pour aller plus loin
- Concernant les crimes et délits contre les mineur·es : Carine Durrieu Diebolt, « Recommandation de la CIIVISE : une meilleure reconnaissance des victimes par l’imprescriptibilité ? », Village de la justice, 4 déc. 2023.
https://www.village-justice.com/articles/recommandation-ciivise-une-meilleure-reconnaissance-des-victimes-par,48069.html