Points clés
- Les agent·es publiques disposent tout au long de leur carrière, dans la fonction publique, d’un droit particulier : la protection fonctionnelle. Ce droit, souvent méconnu, permet à un·e agent·e victime de violences dans le cadre de son service d’être protégé·e et indemnisé·e par son employeur des préjudices subis
- La protection fonctionnelle ne concerne pas les étudiant·es. Ielles peuvent néanmoins être protégé·es par l’établissement d’enseignement après avoir révélé des agissements de violences sexistes et sexuelles.
L’article L134‑1 du CGFP dispose : « L’agent public ou, le cas échéant, l’ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui l’emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre ».
Plus précisément : « La collectivité publique est tenue de protéger l’agent public contre les atteintes volontaires à l’intégrité de sa personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée.
Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ». (article L134‑5 CGFP)
En ce qui concerne les universités, elle est octroyée par le ou la président·e d’université dans les cas prévus par la loi.
Qui est « protégé » au sein de la fonction publique ?
- Les fonctionnaires (stagiaires et titulaires) et les anciens fonctionnaires
- Les agents contractuels et les anciens agents contractuels
- Les collaborateurs occasionnels du service public (CE, 13 janv. 2017, n° 386799)
- Les vacataires (CE, 9 décembre 1970, Commune de Neuilly-Plaisance)
- Les élus (CE, 8 juin 2011, n°312700).
- Les praticiens hospitaliers (loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires).
En quoi consiste cette protection ?
La loi est assez silencieuse sur ce que recouvre précisément la protection fonctionnelle.
En pratique, les administrations qui accordent la protection fonctionnelle à un·e agent·e prennent en charge quasi exclusivement les frais d’avocat·e engagés par l’agent·e dans le cadre d’une procédure pénale intentée contre la personne autrice de « violences, harcèlement, injures, etc. ».
Cette pratique revient à exiger des agent·es qu’elles et ils déposent plainte contre l’auteur (qui peut être un·e autre agent·e publique ou un·e étudiant·e) puis à rembourser — ou prendre directement en charge — les honoraires de l’avocat·e de la victime dans le cadre de cette procédure pénale.
Or, au titre de la protection fonctionnelle, l’administration a des obligations plus étendues. Elle doit :
- Faire cesser les violences auxquelles l’agent·e est exposé·e
- Sanctionner l’auteur des violences :
« La seule admonestation adressée, par la lettre du 26 février 2014, à l’auteur des propos incriminés, laquelle n’avait pas été portée à la connaissance de [l’agente victime] qui ne l’a découverte qu’à l’occasion de l’instance devant le tribunal administratif, ne pouvait, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme une mesure de protection appropriée » (CAA Marseille, 20 avril 2018, 16MA02220, confirmée par CE, 3ème — 8ème chambres réunies, 25 juin 2020, 421643) - Réparer les dommages subis par l’agent·e
Plus généralement : « Il appartient dans chaque cas à l’autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce » (TA Nantes 7ème chambre, 14 juin 2023, 1901861).
La protection fonctionnelle ne devrait pas être accordée au mis en cause
En théorie, la protection fonctionnelle peut également être accordée à l’agent mis en cause pour des violences sexistes et sexuelles, si celui-ci estime que son administration doit prendre en charge les frais qu’il engage pour se défendre contre la plainte pénale déposée par la victime ; il peut notamment arguer être victime de diffamation de la part de la plaignante.
Or, lorsqu’un agent public fait l’objet de poursuites pénales pour une infraction commise dans l’exercice de ses fonctions, il s’agit d’une faute personnelle, détachable du service. Il ne devrait donc pas bénéficier de la protection fonctionnelle dans ce cadre (CAA Nancy, 28 février 2005, 02NC00477).
De même, tant que l’administration ne considère pas les faits de harcèlement sexuel constitués, qu’elle refuse pour ce motif la protection fonctionnelle à la victime, elle ne peut accorder la protection fonctionnelle à l’agent accusé qui se plaindrait de diffamation. En effet, l’administration ne dispose pas non plus d’éléments pour démontrer la diffamation.
Sources
Code général de la fonction publique, article L134‑5
Jurisprudence :
- TA Nantes 7ème chambre, 14 juin 2023, 1901861.
- CAA Nancy, 28 février 2005, 02NC00477
- CAA Marseille, 20 avril 2018, 16MA02220, confirmée par CE, 3ème — 8ème chambres réunies, 25 juin 2020, 421643