Point clé
- Le Code de l’éducation prévoit la suspension à titre conservatoire d’un·e étudiant·e qui aurait causé « un désordre » dans l’établissement. Elle consiste à lui interdire l’accès aux locaux pendant une durée qui ne peut excéder 30 jours. Elle peut être prolongée si une procédure disciplinaire ou pénale est engagée en parallèle contre l’étudiant·e et ce jusqu’à la décision en matière disciplinaire
En effet, l’article R712‑8 du Code de l’éducation prévoit : « En cas de désordre ou de menace de désordre dans les enceintes et locaux définis à l’article R. 712–1, l’autorité responsable désignée à cet article en informe immédiatement le recteur chancelier. Dans les cas mentionnés au premier alinéa :
1° La même autorité peut interdire à toute personne, et, notamment, à des membres du personnel et à des usagers de l’établissement ou des autres services ou organismes qui y sont installés l’accès de ces enceintes et locaux.
Cette interdiction ne peut être décidée pour une durée supérieure à trente jours. Toutefois, au cas où des poursuites disciplinaires ou judiciaires seraient engagées, elle peut être prolongée jusqu’à la décision définitive de la juridiction ou de l’instance saisie. (…) »
La notion de « désordre » est assez floue.
Elle a néanmoins déjà été appliquée à un étudiant soupçonné d’avoir commis des agissements de harcèlement sexuel.
En octobre 2020, l’université de Strasbourg a pris un arrêté d’exclusion de l’établissement pendant 30 jours à l’encontre d’un étudiant, justifié par des « plaintes répétées des étudiantes et personnels féminins face à des agissements récurrents » ainsi qu’une « urgence à prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre au sein de l’ensemble des locaux universitaires et permettre à toutes de pouvoir accéder sans crainte aux cours et aux formations qu’elles souhaitent suivre » (https://www.rue89strasbourg.com/etudiant-harcelement-interdit-presence-universite-strasbourg-191917).
L’université Paris-Saclay a prononcé un arrêté similaire contre un étudiant en octobre 2022, arrêté renouvelé par la présidence jusqu’à ce que la section disciplinaire statue sur les faits de violences, notamment sexuelles, qui lui étaient reprochés. L’étudiant a contesté ces arrêtés devant le Tribunal administratif de Versailles qui l’a débouté de son recours (TA Versailles, 20 avril 2023, n° 2208241).
Les arrêtés étaient fondés sur le fait que « Monsieur A. C. est gravement mis en cause de manière crédible par plusieurs témoignages concordants pour des faits d’agressions sexuelles répétées, notamment des viols, des violences volontaires et des actes à connotations antisémites et racistes ».
Les arrêtés précisaient que la présidente de l’université est responsable de l’ordre et de la sécurité au sein de l’université et que « les faits reprochés à Monsieur A. C., tant par leur gravité que par leur caractère réitéré, constituent une menace au maintien de l’ordre public et à la sécurité des personnes dans les enceintes et les locaux de cet établissement ».
Il est en outre indiqué que « la présence du requérant remettrait en cause la continuité des études des personnes qui s’estiment victimes de ses agissements et constitue un trouble à l’ordre public par l’émoi et l’inquiétude provoqués au sein des membres de la communauté universitaire ».
Le Tribunal administratif de Versailles a validé les mesures prises par la présidence de l’université Paris-Saclay aux motifs que :
« Une mesure interdisant l’accès aux enceintes et locaux d’une université à un étudiant édictée par le président d’une université dans le cadre des pouvoirs qu’il tient des dispositions de l’article L. 712–2 du code de l’éducation doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et ne peut être prise que si les autorités universitaires ne disposent pas des moyens de maintenir l’ordre dans l’établissement et si les restrictions qu’elle apporte aux libertés sont justifiées par des risques avérés de désordre », ce qu’elle a considéré rempli en l’espèce.
Sources
- Code de l’éducation
- Jurisprudence : TA Versailles, 20 avril 2023, n° 2208241