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Obligations de l’employeur public

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Point clé

  • L’employeur pub­lic est tenu de respecter un cer­tain nom­bre d’obligations en matière de lutte con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles. il est tenu de prévenir, de réa­gir et de sanc­tion­ner ces vio­lences.

I. La prévention

L’obligation générale de prévention et de protection de la santé et de la sécurité

Les agent·es publiques béné­fi­cient de cer­taines dis­po­si­tions du code du tra­vail et notam­ment des arti­cles relat­ifs à la san­té et à la sécu­rité des travailleur·euses. Ce sont les arti­cles L.811–1 et ‑2 du code général de la fonc­tion publique qui prévoient l’application des règles des livres I à V de la 4ème par­tie du code du tra­vail, aux fonc­tion­naires des trois ver­sants de la fonc­tion publique.

Arti­cle 4121–1 : « L’employeur prend les mesures néces­saires pour assur­er la sécu­rité et pro­téger la san­té physique et men­tale des tra­vailleurs. Ces mesures com­pren­nent :

  1. Des actions de préven­tion des risques pro­fes­sion­nels (…) ;
  2. Des actions d’in­for­ma­tion et de for­ma­tion ;
  3. La mise en place d’une organ­i­sa­tion et de moyens adap­tés.


L’employeur veille à l’adap­ta­tion de ces mesures pour tenir compte du change­ment des cir­con­stances et ten­dre à l’amélio­ra­tion des sit­u­a­tions exis­tantes ».

À ce titre, l’employeur pub­lic est tenu d’informer et de for­mer ses équipes en matière de lutte con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles. S’il ne le fait pas, il engage sa respon­s­abil­ité pour défaut de préven­tion.

Arti­cle 4121–2 : « L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121–1 sur le fonde­ment des principes généraux de préven­tion suiv­ants : (…)


7° Plan­i­fi­er la préven­tion en y inté­grant, dans un ensem­ble cohérent, la tech­nique, l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail, les con­di­tions de tra­vail, les rela­tions sociales et l’in­flu­ence des fac­teurs ambiants, notam­ment les risques liés au har­cèle­ment moral et au har­cèle­ment sex­uel, tels qu’ils sont défi­nis aux arti­cles L.1152–1 et L. 1153–1, ain­si que ceux liés aux agisse­ments sex­istes défi­nis à l’ar­ti­cle L. 1142–2‑1 (…) ».

En appli­ca­tion de cet arti­cle, l’employeur pub­lic est enjoint de tenir à jour un doc­u­ment unique d’évaluation des risques pro­fes­sion­nels (DUERP), physiques et psy­cho soci­aux, qui doit con­tenir les mesures de préven­tion mis­es en œuvre pour lut­ter con­tre le har­cèle­ment. La Cir­cu­laire du 11 juin 2024 rel­a­tive à l’élaboration du doc­u­ment unique d’évaluation des risques pro­fes­sion­nels et du pro­gramme annuel de préven­tion et d’amélioration des con­di­tions de tra­vail dans la fonc­tion publique insiste sur ce point.

L’obligation de disposer d’un dispositif de recueil des signalements de harcèlement

Art. L. 135–6 du CGFP : « Les employeurs publics men­tion­nés à l’ar­ti­cle L. 2 met­tent en place un dis­posi­tif ayant pour objet de recueil­lir les sig­nale­ments des agents qui s’es­ti­ment vic­times d’at­teintes volon­taires à leur intégrité physique, d’un acte de vio­lence, de dis­crim­i­na­tion, de har­cèle­ment moral ou sex­uel, d’agisse­ments sex­istes, de men­aces ou de tout autre acte d’in­tim­i­da­tion et de les ori­en­ter vers les autorités com­pé­tentes en matière d’ac­com­pa­g­ne­ment, de sou­tien et de pro­tec­tion des vic­times et de traite­ment des faits sig­nalés.

Ce dis­posi­tif per­met égale­ment de recueil­lir les sig­nale­ments de témoins de tels agisse­ments ».

Dans les étab­lisse­ments d’enseignement supérieur ce dis­posi­tif de sig­nale­ment est sou­vent pris en charge par les cel­lules de veille et/ou d’écoute.

II. La réaction

L’interdiction de discriminer victimes et témoins

L’administration est tenue de ne sanc­tion­ner d’aucune manière les per­son­nes vic­times et témoins de vio­lences sex­istes et sex­uelles au tra­vail.

L’article L.133–3 du CGFP dis­pose : « Aucun agent pub­lic ne peut faire l’ob­jet de mesures men­tion­nées au pre­mier alinéa de l’ar­ti­cle L. 135–4 pour avoir :

  1. Subi ou refusé de subir les faits de har­cèle­ment sex­uel men­tion­nés à l’ar­ti­cle L. 133–1, y com­pris, dans le cas men­tion­né au 1o du même arti­cle L. 133–1, si les pro­pos ou com­porte­ments n’ont pas été répétés, ou de har­cèle­ment moral men­tion­nés à l’ar­ti­cle L. 133–2 ;
  2. For­mulé un recours auprès d’un supérieur hiérar­chique ou engagé une action en jus­tice visant à faire cess­er ces faits ;  
  3. De bonne foi, relaté ou témoigné de tels faits ».

        

L’obligation de protéger les victimes

Lorsqu’une per­son­ne révèle à son admin­is­tra­tion qu’elle subit des agisse­ments pou­vant être qual­i­fiés de har­cèle­ment sex­uel, son employeur est tenu de faire cess­er le har­cèle­ment.

C’est en ce sens que le Con­seil d’État juge depuis 2014 (CE, juge des référés, 19 juin 2014, n°381061) que : « le droit de ne pas être soumis à un har­cèle­ment moral con­stitue pour un agent une lib­erté fon­da­men­tale au sens des dis­po­si­tions de l’ar­ti­cle L. 521–2 du code de jus­tice admin­is­tra­tive », ce droit lui per­me­t­tant de saisir le juge par le biais d’un référé-lib­erté pour enjoin­dre à l’employeur pub­lic de rétablir une sit­u­a­tion de tra­vail nor­male.

Dans le cas d’espèce, le Tri­bunal admin­is­tratif de Toulon avait enjoint au maire employeur « d’une part, de met­tre en œuvre, dans un délai de 48 heures, tous les moyens humains et matériels afin de per­me­t­tre à M. A d’ex­ercer ses fonc­tions d’a­gent de maîtrise con­for­mé­ment à la fiche de poste cor­re­spon­dant à son cadre d’emplois et, d’autre part, de lui per­me­t­tre de béné­fici­er, indépen­dam­ment de la sur­veil­lance régulière qui est par ailleurs exer­cée par le médecin du tra­vail, d’un exa­m­en médi­cal péri­odique auprès du médecin de préven­tion ». 

Un raison­nement sim­i­laire en matière de har­cèle­ment sex­uel serait retenu par le juge admin­is­tratif s’il était saisi en ce sens.

Afin de faire cess­er la sit­u­a­tion de har­cèle­ment, l’employeur pub­lic peut sus­pendre à titre con­ser­va­toire le ou les per­son­nes mis­es en cause pour vio­lences sex­istes et sex­uelles.

Elle peut égale­ment octroy­er la pro­tec­tion fonc­tion­nelle à l’agent·e vic­time.

Il est égale­ment forte­ment recom­mandé de réalis­er une enquête admin­is­tra­tive, bien qu’il ne s’agisse pas d’une oblig­a­tion. En effet, la déci­sion d’ouvrir ou pas une enquête admin­is­tra­tive est une « mesure d’ordre intérieur », insus­cep­ti­ble d’être con­testée par la per­son­ne vic­time ou mise en cause (Cour admin­is­tra­tive d’ap­pel de Paris, 11 mars 2022, n° 21PA04591).

L’enquête est tout de même prévue dans le décret n°2020–256 du 13 mars 2020 relatif au dis­posi­tif de sig­nale­ment des actes de vio­lence :

« Le dis­posi­tif de sig­nale­ment des actes de vio­lence, de dis­crim­i­na­tion, de har­cèle­ment moral ou sex­uel et des agisse­ments sex­istes prévu par l’ar­ti­cle 6 quater A de la loi du 13 juil­let 1983 susvisée com­porte : (…)
3° Une procé­dure d’ori­en­ta­tion des agents s’es­ti­mant vic­times ou témoins de tels actes ou agisse­ments vers les autorités com­pé­tentes pour pren­dre toute mesure de pro­tec­tion fonc­tion­nelle appro­priée et assur­er le traite­ment des faits sig­nalés, notam­ment par la réal­i­sa­tion d’une enquête admin­is­tra­tive ».

La nécessité de vérifier que les faits relèvent de l’accident de service

Dans le guide de préven­tion et de traite­ment des sit­u­a­tions de vio­lences et de har­cèle­ment dans la fonc­tion publique, la DGAFP rap­pelle que lorsque l’administration a con­nais­sance d’une sit­u­a­tion de har­cèle­ment sex­uel, elle doit véri­fi­er si les faits sont con­sti­tu­tifs d’un acci­dent de ser­vice (cf Rubrique ‘Pour aller plus loin’).

III.La sanction

La sanc­tion du har­cèle­ment sex­uel est expressé­ment prévue dans le Code à l’article L.133–3 du CGFP : « Est pas­si­ble d’une sanc­tion dis­ci­plinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder à ces faits ou agisse­ments ».

La sanc­tion dis­ci­plinaire doit être pro­por­tion­nelle aux faits démon­trés. C’est ain­si que le Con­seil d’État a eu l’occasion de déclar­er un blâme insuff­isant au regard des faits reprochés à un enseignant :

« Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que M. A… a pro­posé à plusieurs étu­di­antes de son groupe de travaux dirigés, qui avaient sol­lic­ité un entre­tien avec lui pour échang­er sur la nota­tion de leurs copies, de se ren­dre au restau­rant ou de lui ren­dre vis­ite à son domi­cile, en fin de semaine ou le soir, d’autre part, qu’il a pro­posé, lors d’un entre­tien en tête-à-tête, à une étu­di­ante qui était souf­frante de lui faire un mas­sage, enfin, qu’il a assor­ti l’un de ses mes­sages d’in­vi­ta­tion à une soirée privée à l’une de ses étu­di­antes d’un com­men­taire sur son apparence physique et sur celui d’une de ses amies à qui était égale­ment des­tinée son invi­ta­tion.

En jugeant que ces faits répétés à l’en­con­tre de cer­taines étu­di­antes, qui ont créé une sit­u­a­tion intim­i­dante et offen­sante pour elles, n’é­taient pas con­sti­tu­tifs de har­cèle­ment sex­uel, le CNESER, stat­u­ant en matière dis­ci­plinaire, a inex­acte­ment qual­i­fié les faits de l’e­spèce et, eu égard à la nature de ces faits et à la rela­tion d’au­torité qui est celle d’un   enseignant-chercheur avec ses étu­di­ants ain­si qu’à l’ex­em­plar­ité et l’ir­réprocha­bil­ité qui, par suite, lui incombent, retenu une sanc­tion [le blâme] hors de pro­por­tion avec les fautes com­mis­es » (Con­seil d’É­tat, 4ème cham­bre, 10 mars 2023, n°456602).

Sources

Code général de la fonc­tion publique

Jurispru­dence :

  • CE, juge des référés, 19 juin 2014, n°381061
  • CAA Paris, 11 mars 2022, n° 21PA04591
  • Con­seil d’É­tat, 4ème cham­bre, 10 mars 2023, n°456602

Voir aussi

Pour aller plus loin