Points clés
- L’écoute d’une personne, victime ou témoin direct (qui a assisté aux faits), ou témoin indirect (à qui l’on s’est confié) d’une violence sexiste ou/et sexuelle dans le cadre d’un dispositif de signalement doit respecter certaines règles afin de recueillir au mieux la parole et de préserver, le cas échéant, la personne de toute survictimation
- Pour instaurer la confiance nécessaire à la prise de parole, il convient d’assurer la confidentialité et de respecter les décisions et la temporalité de la personne écoutée
- Encourager la personne à écrire un récit le plus circonstancié de la situation (faits/dates/contextes/ressentis/conséquences)
- qualité de l’écoute et considération
- informations relatives à la procédure actuelle et future
- entretien conduit de préférence par au moins deux personnes
L’entretien d’écoute et d’orientation dans le cadre du dispositif de signalement
Depuis 2019, a été instaurée l’obligation de mettre en place un dispositif de signalement dans la fonction publique. De nouvelles dispositions réglementaires entreront en vigueur le 1er février 2025 précisant les modalités de fonctionnement.
Dans ce cadre, le premier entretien de la personne signalante ou témoin constitue un entretien d’écoute et d’orientation, notamment vers des services compétents de prise en charge en fonction de besoins exprimés et identifiés ou délivrant une protection fonctionnelle.
L’entretien a donc pour objectifs, concernant la personne signalante comme la personne témoin :
- D’aider à mieux comprendre et analyser la situation, en clarifiant le contexte, les faits (paroles, comportements ou agissements, en présentiel ou numérique), leur chronologie, les conséquences
- D’aider à exprimer ressentis et émotions
- De recueillir les besoins, les attentes, les souhaits
- De prendre en compte les démarches éventuellement déjà entreprises
- De recueillir des éléments de preuve (captures d’écran ; témoins ; autres victimes…) dans la perspective d’une suite disciplinaire ou pénale selon le souhait de la personne
- D’exposer et de co-construire les pistes d’actions possibles et de résolution, les procédures envisageables
Les personnes écoutantes du dispositif de signalement
Les personnes écoutantes du dispositif doivent impérativement être formées à l’écoute active et à la compréhension des violences et des discriminations. Il est souhaitable qu’elles bénéficient de supervision régulière, ou à tout le moins de temps d’échanges réguliers pour analyser et améliorer leurs pratiques et éviter d’être “marquées” par les récits répétés de violences (traumatisme vicariant). Il n’est pas recommandé que des étudiant·es fassent partie du dispositif, étant donné l’engagement temporel nécessaire de cette mission et leurs obligations universitaires ou de recherche.
L’entretien d’écoute et d’orientation se fait impérativement en binôme, de préférence en présentiel, en veillant au lieu d’accueil et son environnement (confort/confidentialité/accessibilité) et en évitant des positions en frontal, l’idéal étant une table ronde)
Les entretiens ne sont pas enregistrés, mais une prise de note s’impose, comprenant les verbatims et la notation du langage non verbal (pleurs, silences…), afin de rédiger un compte rendu qui sera signé par la personne écoutée. Celui-ci pourra rester anonyme jusqu’à une certaine limite, celle du traitement administratif ou/et disciplinaire (anonymat). Ce qui devra lui être impérativement exposé le cas échéant.
Les personnes écoutantes sont dans une relation de soutien et d’orientation grâce à une écoute active. Cela implique de faire preuve d’empathie (et non de sympathie), de communiquer sans ambiguïté et sans jugement et d’éprouver des attitudes positives de respect et d’attention.
Déroulement de l’entretien d’écoute et d’orientation
Un entretien comprend les phases suivantes :
- Poser le cadre de l’entretien : présentation du cadre de l’écoute et de ses limites, des personnes écoutantes, des règles de l’entretien (confidentialité et bienveillance), des modalités de l’entretien (temps imparti, prise de notes, entretien reconductible, compte rendu)
- Donner librement la parole en demandant à la personne de se présenter (son contexte de travail/d’études et d’exposer la situation avec des questions de type : « on vous écoute », « Que s’est-il passé ? Cette phase d’introduction est importante à deux égards : d’une part elle permet de créer un lien de confiance avec la personne signalante, d’autre part, elle permet de la replacer dans son agentivité en ne la réduisant pas aux faits qu’elle a subis.
- Mener un entretien semi-directif, avec des questions ouvertes, ni inductives ni trop intrusives, ni trop nombreuses (ne pas confondre avec l’audition d’enquête ou d’instruction), pour déterminer le plus précisément les faits (paroles, actes, comportements), les dates, le contexte (lieux et personnes), les conséquences, les démarches éventuelles, les éléments de preuve possibles (qui pourront être remis ultérieurement).
Il est utile de respecter les silences, de laisser du temps de réflexion et même des hésitations. Les questions avec des « comment » permettent de décrire les situations, contrairement aux questions avec des « pourquoi » qui induisent des jugements de valeur ou qui mettent en doute les propos. Il est important de faire expliciter des phrases comme “propos ou gestes déplacés” ou des formules trop générales comme « l’établissement n’a rien fait », « on me fait subir tel ou tel acte ». Dans ces derniers cas, il convient de demander de préciser « que voulez-vous dire quand l’établissement ne fait rien » ou « qui vous fait subir tel ou tel acte ».
- Faire préciser attentes et besoins, contraintes et ressources
- Rappeler le cadre légal ; examiner les possibilités d’action ; proposer des pistes d’orientation en fonction des besoins exprimés et éventuellement pour prendre toute mesure de protection fonctionnelle
- Prendre soigneusement le temps de conclure en synthétisant et rappelant les prochaines échéances
Outils à disposition des personnes écoutantes
Les personnes écoutantes doivent avoir à leur disposition :
- Une grille d’entretien des éléments à recueillir
- Un schéma présentant la place du dispositif dans l’ensemble de la procédure proposée au sein de l’établissement, précisant les alternatives dans la procédure
Un kit de ressources actualisé (associations ou services pour une prise en charge psychologique, médicale, sociale, juridique, selon les besoins exprimés et selon éventuellement les conventions signées par l’établissement)
Pour aller plus loin
- FRANCE Université Numérique (FUN MOOC), Université de Liège, VictimeS, introduction à la victimologie ,
https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/?limit=21&offset=0&query=victimologie - France Culture, Émission esprit de justice, le traumatisme vicariant, 23 octobre 2024
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/esprit-de-justice/le-traumatisme-vicariant-3701790 - MIPROF, Kit Une femme comme moi,
https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/outils-harcelement-violences-dans-les-relations-professionnelles