Points clés
- La présomption d’innocence est une règle de procédure pénale qui relève des droits de la défense
- Il convient de mettre en balance les principes de présomption d’innocence, de liberté d’expression et de liberté d’information
- Les atteintes à la présomption d’innocence sont répréhensibles sur le fondement de différents textes
Définition
La présomption d’innocence est une règle de droit selon laquelle toute personne mise en cause lors d’une procédure pénale est réputée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie définitivement par un tribunal impartial, à l’issue d’un procès équitable.
Un principe de procédure pénale
Souvent invoquée dans le débat public, la présomption d’innocence est une règle de procédure pénale énoncée dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale en ces termes : « III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. »
La présomption d’innocence est garantie par l’article 9–1 du Code civil, l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 14, paragraphe 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Elle implique que la charge de la preuve de la culpabilité d’une personne faisant l’objet de poursuites repose sur le ministère public (procureur·e de la République) et que le doute profite à la personne mise en cause. Elle implique également que celle-ci ne puisse être présentée publiquement comme coupable avant que ne soit intervenue une condamnation définitive.
Nous y insistons : il s’agit d’un principe de procédure pénale qui ne s’applique pas en dehors de ce champ.
Les sanctions de l’atteinte à la présomption d’innocence
La Cour de cassation (1ère Chambre civile, 16 février 2022, 21–10.211, publié au bulletin) a récemment précisé les contours de l’atteinte à la présomption d’innocence et statué en ces termes : « Il résulte de l’article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9–1 du code civil et de l’article préliminaire, III, alinéa 1er, du code de procédure pénale que le droit au respect de la présomption d’innocence est celui de ne pas être présenté publiquement comme coupable d’une infraction, tant qu’une procédure pénale est en cours. »
Cet arrêt, tout en posant l’exigence qu’une procédure pénale soit en cours pour dénoncer une atteinte à la présomption d’innocence, indique également l’existence d’une autre voie de recours à l’encontre de la personne autrice de propos qui mettent en cause la réputation de la personne visée : la procédure en diffamation : « En l’absence d’une telle procédure, les propos imputant à autrui une infraction sont susceptibles de caractériser une diffamation. »
La présomption d’innocence en droit disciplinaire
La procédure disciplinaire qui vise à sanctionner un comportement fautif, est indépendante de la procédure pénale éventuellement engagée. Le Conseil d’État a tiré les conséquences de cette indépendance au regard de la présomption d’innocence en rappelant que « la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ; que, par suite, y compris dans l’hypothèse où c’est à raison des mêmes faits que sont engagées parallèlement les deux procédures, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué. » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 27 mai 2009, n°310493, publié au recueil Lebon)
Toutefois, cette indépendance n’affranchit pas les personnes en charge de l’enquête disciplinaire du respect des droits de la défense.
Le détournement de cette règle
La présomption d’innocence est souvent invoquée au service d’une stratégie visant à intimider les victimes et à leur intimer de conserver le silence. Pour lui faire échec, rappelons donc que le principe de la présomption d’innocence doit être articulé avec ceux de la liberté d’expression et d’information. Cette mise en balance impose, lorsqu’une procédure pénale est en cours, une prudence dans l’expression, dans le choix des mots et le rappel du principe.
Sources
- Conseil d’Etat, juge des référés, 14 mars 2005, n° 278435, publiée au recueil Lebon
- Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 27 mai 2009, n°310493, publié au recueil Lebon
- IGSR, p. 52–53
Voir aussi
Pour aller plus loin
- Michael Lessard, « Les Dénonciations Publiques d’Agressions Sexuelles : Du Mauvais Usage de la Présomption d’Innocence », 29 Can. J. Women & Law. 401 (2017)
- Collectif, « La protection de l’État de droit pour tou.te.s », Dalloz Actu, 11 mars 2020,
https://www.dalloz-actualite.fr/node/protection-de-l-etat-de-droit-pour-toutes - Cass. 1ère civ. 16 fév. 2022, n°21–10. 211, commentaire Agathe Lepage, in « Atteinte à la présomption d’innocence ou diffamation ? », Communication Commerce électronique n° 5, Mai 2022, comm. 35.