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Signalement — Article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale

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Points clés

  • L’article 40 al. 2 du Code de procé­dure pénale pose une oblig­a­tion large de sig­nale­ment des crimes et dél­its dont la con­nais­sance est acquise dans le cadre du tra­vail (fonc­tion publique)
  • Cette oblig­a­tion n’est pas assor­tie de sanc­tion pénale en cas d’abstention ; elle peut toute­fois être sanc­tion­née dis­ci­plinaire­ment
  • L’application in con­cre­to peut s’avérer déli­cate

Définition

L’obligation de sig­nale­ment d’un crime ou d’un délit à laque­lle tout·e fonc­tion­naire est tenu·e est définie par l’art. 40 al. 2 du Code de procé­dure pénale selon lequel : « Toute autorité con­sti­tuée, tout offici­er pub­lic ou fonc­tion­naire qui, dans l’ex­er­ci­ce de ses fonc­tions, acquiert la con­nais­sance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en don­ner avis sans délai au pro­cureur de la République et de trans­met­tre à ce mag­is­trat tous les ren­seigne­ments, procès-ver­baux et actes qui y sont relat­ifs. »

Importance de ce mode de saisine de la justice

Il sem­ble cohérent que des agent·e·s public·que·s (au sens large) con­tribuent au fonc­tion­nement du ser­vice pub­lic de la jus­tice en l’informant des vio­la­tions du droit dont ces per­son­nes ont con­nais­sance dans l’exercice de leur pro­fes­sion.

Plusieurs textes les enjoignent à les dévoil­er, cer­tains sont spé­ci­fiques à des infrac­tions, d’autres plus généraux (voir les arti­cles L. 131–12, L. 133–3, L. 135–6 A et L. 135–6 CGFP par exem­ple).

L’article 40 al. 2 du Code de procé­dure pénale pose quant à lui une oblig­a­tion générale de sig­naler les dél­its et les crimes dont la con­nais­sance se pro­duit dans le cadre de ses fonc­tions.

Cette oblig­a­tion est en out­re rap­pelée par l’art. L121-11 du Code général de la fonc­tion publique (CGFP) : « Les agents publics se con­for­ment aux dis­po­si­tions du sec­ond alinéa de l’ar­ti­cle 40 du Code de procé­dure pénale pour tout crime ou délit dont ils acquièrent la con­nais­sance dans l’ex­er­ci­ce de leurs fonc­tions. »

Quelles sont les personnes concerné·e·s par cette obligation ?

L’éventail des per­son­nes soumis­es à cette oblig­a­tion est large. Le texte cite « Toute autorité con­sti­tuée, tout offici­er pub­lic ou fonc­tion­naire ».

Selon le min­istère de la jus­tice, « Le con­cept d’« autorité con­sti­tuée » recou­vre toute autorité, élue ou nom­mée, nationale ou locale, déten­trice d’une par­celle de l’au­torité publique. Ces dis­po­si­tions ont donc voca­tion à s’ap­pli­quer aux élus et aux min­istres, à la con­di­tion que la con­nais­sance de l’in­frac­tion ait été acquise dans l’ex­er­ci­ce de leurs fonc­tions. » (réponse à la ques­tion écrite n° 04972 de M. Jean-Louis Mas­son (Moselle — NI), pub­liée dans le Jour­nal Offi­ciel Sénat du 25/04/2013, p. 1360).

S’agissant des fonc­tion­naires, toutes les per­son­nes sont con­cernées quel que soit leur statut (vacataire, con­tractuel, statu­taire) et la per­son­ne publique qui les emploie (État, admin­is­tra­tion ter­ri­to­ri­ale, autre admin­is­tra­tion).

Par ailleurs, cette respon­s­abil­ité étant indi­vidu­elle, l’autorisation du·de la supérieur·e n’est pas néces­saire ; son infor­ma­tion est toute­fois atten­due.

En pra­tique cepen­dant, ce sont sou­vent les respon­s­ables des struc­tures (président·e d’université, direc­tion d’école) qui rédi­gent les sig­nale­ments.

Quelle est l’étendue de cette obligation ?

Le texte men­tionne les crimes et dél­its, à l’exception donc des con­tra­ven­tions, dont l’agent·e public·que a con­nais­sance dans l’exercice de ses fonc­tions. Il ne pose pas que seuls les faits avérés, prou­vés soient sig­nalés. La jurispru­dence retient qu’il suf­fit que les faits présen­tent un « degré suff­isant de vraisem­blance ».

Par ailleurs, la men­tion « dans l’ex­er­ci­ce de ses fonc­tions » exclut les faits dont les agent·es ont con­nais­sance dans leur vie privée.

Quel formalisme ?

Aucune forme n’est pre­scrite par le texte. Le sig­nale­ment peut donc être oral ou écrit, ce dernier étant préférable pour des raisons pro­ba­toires. Il est égale­ment pos­si­ble de se déplac­er dans un com­mis­sari­at ou une gen­darmerie.

Existe-t-il des exceptions à cette obligation ?

La ques­tion se pose pour les fonc­tion­naires tenu·e·s au secret pro­fes­sion­nel. Cet appar­ent con­flit de normes est réglé par les  arti­cles 223–6, 226–14, 434–1 et 434–3 du code pénal qui indiquent dans quelle sit­u­a­tions, il est pos­si­ble ou impératif de lever le secret pro­fes­sion­nel pour sig­naler des infrac­tions aux autorités judi­ci­aires.

Un signalement est-il toujours opportun ?

L’article 40 al. 2 pré­cise aus­si que le sig­nale­ment doit se faire « sans délai ». Or, il est fréquent que la vic­time ne dévoile les vio­lences qu’à la con­di­tion que « cela ne se sache pas » (elle souhaite avant tout que les vio­lences cessent), ou que son anony­mat soit respec­té. Cette demande, tout à fait com­préhen­si­ble, con­tre­vient cepen­dant à l’obligation de sig­naler en trans­met­tant au pro­cureur de la République « tous les ren­seigne­ments, procès-ver­baux et actes qui y sont relat­ifs. »

Il est évidem­ment préférable d’obtenir l’adhésion de la per­son­ne plaig­nante, ce qui n’est pas tou­jours pos­si­ble. Priv­ilé­giant les intérêts des plaignant·e·s — ce sont en effet les per­son­nes plaig­nantes qui auraient à assumer les con­séquences d’une éventuelle procé­dure pénale déclenchée par un sig­nale­ment -, cer­tains étab­lisse­ments choi­sis­sent alors de ne pas sig­naler. Certes, ils enfreignent la loi, mais con­ser­vent un lien de con­fi­ance avec la plaig­nante qui doit rester maîtresse des procé­dures la con­cer­nant, dans l’hypothèse bien sûr où elle n’est pas vul­nérable au point de ne pou­voir se pro­téger. On le com­prend, si l’impératif de sig­naler est explicite, sa mise en œuvre peut s’avérer com­plexe.

Quelle protection en cas de signalement ?

Dévoil­er des crimes et dél­its peut déclencher des repré­sailles de la part des per­son­nes ou insti­tu­tions mis­es en cause. Les agent·e·s qui le font sont protégé·e·s par le droit.

Ain­si, l’article L 135–1 CGFP dis­pose qu’« Aucune mesure con­cer­nant notam­ment le recrute­ment, la tit­u­lar­i­sa­tion, la rémunéra­tion, la for­ma­tion, l’é­val­u­a­tion, la nota­tion, la dis­ci­pline, la pro­mo­tion, l’af­fec­ta­tion et la muta­tion ne peut être prise à l’é­gard d’un agent pub­lic pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judi­ci­aires ou admin­is­tra­tives de faits con­sti­tu­tifs d’un délit, d’un crime ou sus­cep­ti­bles d’être qual­i­fiés de con­flit d’in­térêts au sens de l’ar­ti­cle L. 121–5 dont il aurait eu con­nais­sance dans l’ex­er­ci­ce de ses fonc­tions. »

L’adverbe « notam­ment » indique que la liste des repré­sailles inter­dites n’est pas exhaus­tive.

Cette pro­tec­tion a été récem­ment ren­for­cée par la loi n° 2022–401 du 21 mars 2022 visant à amélior­er la pro­tec­tion des lanceurs d’alerte.

Pour savoir si elle relève du statut de lanceuse d’alerte, et ain­si béné­fici­er du régime pro­tecteur qui en découle, la per­son­ne qui entend sig­naler des crimes ou dél­its peut saisir le Défenseur du droit pour avis.

Quelle sanction en cas d’abstention ?

L’obligation de sig­nale­ment au titre de l’art. 40 al. 2 du Code de procé­dure pénale n’est pas assor­tie de sanc­tion pénale en cas d’abstention : La Cour de cas­sa­tion l’a rap­pelé dans un arrêt en 1992 (Cass. crim. 13 octo­bre 1992, 91–82456).

Cepen­dant, d’autres dis­po­si­tions du code pénal imposent aux citoyen·ne·s de dénon­cer les crimes dont il est encore pos­si­ble de prévenir ou de lim­iter les effets. L’article 434–1 du code pénal sanc­tionne la non-dénon­ci­a­tion de ceux-ci d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’a­mende.
L’article  434–3 du Code pénal dis­pose quant à lui que « Le fait, pour quiconque ayant con­nais­sance de pri­va­tions, de mau­vais traite­ments ou d’a­gres­sions ou atteintes sex­uelles infligés à un mineur ou à une per­son­ne qui n’est pas en mesure de se pro­téger en rai­son de son âge, d’une mal­adie, d’une infir­mité, d’une défi­cience physique ou psy­chique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judi­ci­aires ou admin­is­tra­tives ou de con­tin­uer à ne pas informer ces autorités tant que ces infrac­tions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’a­mende. »

Enfin, selon l’article 223–6, al 1er du Code pénal, « Quiconque pou­vant empêch­er par son action immé­di­ate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit con­tre l’in­tégrité cor­porelle de la per­son­ne s’ab­stient volon­taire­ment de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’a­mende. »

Par ailleurs, à défaut de sanc­tion pénale, une sanc­tion dis­ci­plinaire peut être pronon­cée, le défaut de sig­nale­ment étant fau­tif.

Sources

Voir aussi

Pour aller plus loin