https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo20/ESRH2411770S
Voir CE, 22 août 2023, n°468551 et CNESER, 13 octobre 2021, n°1437
Encore une fois, la longueur des procédures joue au bénéfice des mis en cause. Dans cette affaire, le CNESER reproche aux plaignantes de n’avoir pas comparu à son audience de 2024 c’est-à-dire de ne pas confirmer leurs accusations six ans après le début de la procédure, sans tenir compte du fait que trois étudiantes sur quatre avaient témoigné devant la section disciplinaire en 2018 et que deux d’entre elles ont témoigné devant la commission d’instruction lors de la 1re procédure devant le CNESER (sur demande du mis en cause qui voulait être confronté aux victimes).
Il reproche également l’absence de plainte pénale et d’enquête administrative préalable à l’enquête disciplinaire. C’est un comble alors que ni la plainte pénale ni l’enquête administrative ne sont obligatoires et que la section disciplinaire avait fait son travail d’instruction sans ces éléments.
Par ailleurs, le fait que le CNESER retienne que les témoignages des 4 victimes ont « pu être faits de manière concertée », sans preuve, sur les seules affirmations du mis en cause, est particulièrement choquant.
Le 30 mars 2018, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Tours a sanctionné Monsieur X d’une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement à l’université de Tours pour une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement, pour des agissements à connotation sexuelle (sans précision) sur quatre étudiantes de Polytech Tours.
M. X a fait appel de cette sanction devant le CNESER.
Le 13 octobre 2021, le CNESER a annulé la décision de première instance et infligé à Monsieur X la sanction du blâme.
Le 22 août 2023, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi formé par l’université de Tours, a annulé la décision du CNESER et lui a renvoyé l’affaire afin d’être à nouveau jugée (CE, 22 août 2023, n°468551) : « En statuant ainsi, sans préciser ni les faits qu’il estimait établis ni leur qualification au regard des obligations déontologiques des enseignants-chercheurs, le CNESER n’a pas mis le Conseil d’État à même d’exercer le contrôle qui incombe au juge de cassation et a ainsi entaché sa décision d’insuffisance de motivation (…) ».
Le CNESER maintient le blâme pour un comportement inadapté, familier, paternaliste et envahissant :
« Si ces témoignages sont concordants, ils sont systématiquement contestés par Monsieur X et il ne peut être exclu que, comme le soutient le requérant, ils aient été écrits de façon concertée, au moins pour certains d’entre eux, dans l’objectif de le mettre en difficulté. Par ailleurs, d’une part, aucune plainte n’a été déposée, Madame C n’a répondu à aucune convocation et aucune des plaignantes n’était présente lors de la séance du 21 mars 2024, Madame D ayant néanmoins adressé un nouveau témoignage écrit, d’autre part, plusieurs collègues de Monsieur X font état d’un enseignant très disponible pour ses étudiants, qu’il recevait beaucoup, filles et garçons indifféremment, dans son bureau, la porte étant généralement ouverte, enfin, aucune enquête administrative n’a été diligentée. Dans ces conditions, l’existence de faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel ne peut être tenue pour établie ;
En revanche, le comportement de Monsieur X était, sans conteste, inadapté, familier, paternaliste et envahissant. Ce comportement apparaît ainsi contraire aux obligations déontologiques de dignité et d’exemplarité ;
Il résulte de ce qui précède que Monsieur X est fondé à soutenir qu’au regard de cette qualification des faits, la sanction d’une interdiction d’exercer durant un an apparaît disproportionnée et à en demander, par conséquent, l’annulation. Il sera fait, en revanche, une juste appréciation des faits en prononçant à son encontre la sanction du blâme ».
Dans sa 1re décision du 13 octobre 2021, le CNESER avait décidé au terme d’une présentation exhaustive des arguments échangés, de prononcer un blâme sans nous éclairer sur « les faits établis » qu’il retenait et ceux qu’il écartait :
« Considérant que de ce qui précède et des pièces du dossier, il est apparu aux yeux des juges d’appel que Monsieur X a eu une attitude ambiguë vis-à-vis des étudiantes et qu’il convient dès lors de le sanctionner en tenant compte uniquement des faits établis à son encontre ».