Point clé
- En matière de violences sexistes et sexuelles, la jurisprudence a déterminé que la preuve des agissements se faisait par la constitution et la réunion d’un faisceau d’indices graves et concordants
Afin de démontrer des agissements qui relèvent de violences sexistes et sexuelles, il n’est pas nécessaire de disposer de témoins directs des faits ou de preuves matérielles, telles que des preuves écrites des agissements sexuels.
Dans les enquêtes administratives des établissements d’enseignement supérieur ou lors des instructions devant les sections disciplinaires, un large éventail d’éléments peuvent être retenus afin de démontrer la faute disciplinaire.
Il ne s’agit en aucune façon de prouver l’existence d’une infraction pénale.
En voici une liste non-exhaustive :
- un dossier médical indiquant clairement une dégradation de l’état de santé de la personne victime de manière contemporaine aux violences sexuelles ;
- les témoignages d’autres personnes victimes d’agissements similaires ;
- les témoignages de collègues témoins de propos ou comportements sexistes ou à connotation sexuelle ; ou témoin de l’exercice de représailles professionnelles de la part du mis en cause (reproches, humiliations, brimades, etc.) à compter d’une date qui correspond au moment où la victime s’est opposée frontalement au harceleur ;
- les attestations de personnes proches de la personne victime ou de collègues qui ont reçu ses confidences de manière contemporaine aux faits et/ou qui ont constaté ses stratégies d’évitement, la dégradation de son état de santé ;
- des enregistrements pris à l’insu de la personne mise en cause ;
- les traces écrites (post-it, sms, échanges WhatsApp)
- des traces de démarches cohérentes de la victime pour faire face à la situation (attestation d’un·e syndicaliste qui a reçu l’agent·e, d’une association qui l’a conseillé·e, de la médecine de prévention, etc.) ;
- le dépôt d’une main courante.
L’ensemble de ces éléments vient corroborer le récit de la victime qui est un élément central de la preuve : la précision du récit, le fait qu’il soit circonstancié et détaillé (verbatim ou actes/ émotions sentiments ressentis, réactions, personnes contactées, etc.) et que des éléments le corroborent à plusieurs endroits seront déterminants. Le récit sera daté et signé.
Voilà l’exemple d’une décision en matière disciplinaire qui tient compte d’un tel faisceau pour sanctionner des violences sexistes et sexuelles :
Un maître de conférence est sanctionné par sa section disciplinaire puis par le Cneser, avec interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement et de recherche au sein de l’université Lille 2 pour une durée d’un an, privation en outre de la totalité de son traitement :
« Aux yeux des juges d’appel, la photographie [produite par le mis en cause] ne permet pas d’établir la réalité d’une complicité qu’aurait l’étudiante mais elle interroge sur [une] proximité hors norme ;
par ailleurs, en proposant à l’étudiante de regarder ensemble un film pour améliorer sa culture générale en vue de la préparer à une épreuve d’examen, Monsieur X a utilisé une méthode pédagogique très particulière et il ne pouvait ignorer que le lien de subordination ne permettait pas à l’étudiante de s’extirper de cet environnement qu’il a créé ;
Considérant que Monsieur X estime que les accusations portées à son encontre par l’étudiante sont de la pure affabulation et qu’elles sont dues à des problèmes psychologiques dont souffrirait la plaignante ; que les pièces versées au dossier montrent une attitude insistante de l’appelant vis-à-vis de l’étudiante avec des appels téléphoniques répétés, SMS, établissant un comportement très familier du déféré à l’égard de la plaignante et une volonté de cette dernière de mettre brusquement fin à une aide qu’elle avait pourtant sollicitée ; [outre l’]exigence du déféré qu’elle procède à l’effacement de ses messages ; qu’il est apparu au juge d’appel que Monsieur X a procédé à des attouchements sur la personne de l’étudiante sans son accord et qu’il a ensuite sollicité avec insistance la poursuite d’une relation équivoque malgré le refus explicite de la plaignante.
Considérant que Monsieur X a eu un comportement portant manifestement atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’université ; qu’il s’agit d’une faute grave, qu’il importe de sanctionner ; » (CNESER, 12 septembre 2017, n° 1018).
Sources
Jurisprudence : CNESER, 12 septembre 2017, n°1018
Voir aussi
- Cneser
- Définitions des VSS dans le Code pénal
- Enquête administrative
- Enquête disciplinaire
- Enregistrement audio pris à l’insu du mis en cause
- Témoins directs témoins indirects
Pour aller plus loin
Pour ne plus entendre « je ne peux pas attester, je n’y étais pas » : de l’importance des témoignages indirects sur https://www.avft.org/2021/05/21/temoignages_indirects/
Pour ne plus entendre de la part des médecins « je ne peux pas faire de certificat médical, il y a le secret médical » sur https://www.avft.org/2021/11/18/pour-ne-plus-entendre-mais-mon-medecin/
Je suis témoin. Comment remplir une attestation : https://www.formulaires.service-public.fr/gf/cerfa_11527.do