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29 octobre 2024, CNESER n°1574

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo45/ESRH2430620S

Voir CNESER 23 novem­bre 2022, n°1574 et CE, 27 mars 2024, n°472186

Alors qu’avant la cen­sure du Con­seil d’État, le CNESER avait jugé qu’il apparte­nait au pro­fesseur de garder ses dis­tances, en l’occurrence ici avec une étu­di­ante qui était placée sous son autorité, et qu’il impor­tait peu que le viol dénon­cé par cette dernière soit retenu ou pas par le juge pénal, il change la focale : « la fragilité et le manque d’authenticité des dires de Madame (selon le rap­port d’un expert psy­cho­logue) » jus­ti­fie une réduc­tion de la sanc­tion de 3 ans à 1 an d’interdiction d’enseignement et de recherche !

Pour­tant, le CNESER note qu’il a eu avec l’étudiante « un com­porte­ment déplacé, mar­qué par une rela­tion de grande prox­im­ité, cri­tiquée par ailleurs par les autres étu­di­ants, et des échanges de mes­sages con­stants et intimes » et qu’il est resté enfer­mé plusieurs heures avec elle dans sa cham­bre une nuit lors d’un chantier de fouilles… après avoir rap­pelé que ce pro­fesseur avait déjà été sanc­tion­né en 2013 pour des faits sim­i­laires.

Le 4 juin 2019, la sec­tion dis­ci­plinaire du con­seil académique de l’u­ni­ver­sité Paris 1 Pan­théon-Sor­bonne avait sanc­tion­né ce maître de con­férences en archéolo­gie d’une inter­dic­tion d’ex­ercer toutes fonc­tions d’en­seigne­ment ou de recherche dans tout étab­lisse­ment pub­lic d’en­seigne­ment supérieur pen­dant trois ans avec pri­va­tion de la total­ité du traite­ment.

Elle avait con­sid­éré que :

« la rela­tion de sub­or­di­na­tion académique étu­di­ant-enseignant n’a pas été respec­tée et s’est instau­rée une rela­tion de prox­im­ité qui a dépassé le strict cadre de la rela­tion pro­fes­sion­nelle ; (…) Mon­sieur X ne s’im­posant pas des règles de con­duite très strictes, n’a pas con­servé la dis­tance req­uise avec une étu­di­ante placée sous son autorité (…) ».

Saisi sur appel du mis en cause, le CNESER a validé la sanc­tion le 23 novem­bre 2022.

Saisi d’un pour­voi du mis en cause, le Con­seil d’État a annulé la déci­sion du CNESER notam­ment aux motifs que le CNESER n’avait pas suff­isam­ment pré­cisé ni analysé les faits reprochés à M. X, ne s’était pas pronon­cé sur la grav­ité des fautes, le tout étant donc insuff­isam­ment motivé.

Voici les moti­va­tions in exten­so de la dernière déci­sion du CNESER, très clé­mente à nou­veau avec les enseignants-chercheurs :

« Néan­moins, si les faits con­statés par le juge pénal et qui com­man­dent néces­saire­ment le dis­posi­tif d’un juge­ment ayant acquis force de chose jugée s’im­posent à l’ad­min­is­tra­tion comme au juge dis­ci­plinaire, la même autorité ne saurait s’at­tach­er aux motifs d’un juge­ment d’acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas étab­lis ou qu’un doute sub­siste sur leur réal­ité. Il appar­tient, dans ce cas, au juge dis­ci­plinaire d’apprécier si les faits, qui peu­vent, d’ailleurs, être dif­férents de ceux qu’avait con­nus le juge pénal, sont suff­isam­ment étab­lis et, dans l’affirmative, s’ils jus­ti­fient l’application d’une sanc­tion. La cir­con­stance que la plainte déposée par Madame Z ait fait l’objet d’une déci­sion de non-lieu dev­enue défini­tive n’a donc pas, con­traire­ment à ce que sou­tient Mon­sieur X, pour con­séquence l’abandon des pour­suites dis­ci­plinaires inten­tées à son encon­tre ;

Il n’est pas con­testé que Mon­sieur X, repro­duisant ain­si un com­porte­ment qu’il avait déjà adop­té en 2013 et qui lui avait valu une sanc­tion d’abaissement d’échelon, a eu avec l’une de ses étu­di­antes un com­porte­ment déplacé, mar­qué par une rela­tion de grande prox­im­ité, cri­tiquée par ailleurs par les autres étu­di­ants, et des échanges de mes­sages con­stants et intimes. Si les faits de viol ont été claire­ment écartés par le juge pénal, qui a par ailleurs mis en doute l’existence même de rela­tions sex­uelles, il n’en est pas moins con­stant que, dans la nuit du 13 au 14 févri­er 2019, Mon­sieur X a accep­té, à la demande de Madame Z, d’accueillir cette dernière dans sa cham­bre, qu’il s’y est enfer­mé avec cette jeune femme durant de longues heures, sus­ci­tant ain­si la réac­tion d’autres étu­di­ants, et qu’il a accep­té enfin qu’elle dorme avec lui dans son lit. Ces faits, qui révè­lent une absence totale de pru­dence, con­tre­vi­en­nent aux règles élé­men­taires de con­duite d’un enseignant vis-à-vis de ses étu­di­ants et mécon­nais­sent les règles déon­tologiques applic­a­bles aux enseignants-chercheurs, sont con­sti­tu­tifs d’une faute dis­ci­plinaire et jus­ti­fient, ain­si que l’a décidé la sec­tion dis­ci­plinaire de l’université Paris 1 Pan­théon-Sor­bonne, que soit infligée à Mon­sieur X une sanc­tion dis­ci­plinaire ;

Il appa­raît néan­moins, au regard de la fragilité et du manque d’authenticité des dires de Madame Z, relevés par un expert psy­cho­logue au cours de l’enquête prélim­i­naire et cités dans l’arrêt de la cour d’appel de Ver­sailles, élé­ments que ne con­nais­saient pas les juges de pre­mière instance, qu’en choi­sis­sant de pronon­cer à l’encontre de Mon­sieur X une inter­dic­tion d’exercer toutes fonc­tions d’enseignement et de recherche durant trois ans avec pri­va­tion de la total­ité du traite­ment, la sec­tion dis­ci­plinaire de l’université Paris 1 Pan­théon-Sor­bonne a retenu une sanc­tion hors de pro­por­tion avec la faute reprochée à l’intéressé. Mon­sieur X est ain­si fondé à deman­der l’annulation de la déci­sion ren­due le 4 juin 2019 par la sec­tion dis­ci­plinaire du con­seil académique de l’université Paris 1 Pan­théon-Sor­bonne ;

Il sera fait une plus juste appré­ci­a­tion de ces faits en infligeant à Mon­sieur X la sanc­tion de l’interdiction d’exercer toute fonc­tion d’enseignement ou de recherche dans tout étab­lisse­ment pub­lic d’enseignement supérieur pen­dant un an, avec pri­va­tion de la total­ité de son traite­ment »