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Entretien d’écoute et d’orientation

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Points clés

  • L’audition d’une per­son­ne, vic­time ou témoin direct (qui a assisté aux faits), ou témoin indi­rect (à qui l’on s’est con­fié) d’une vio­lence sex­iste ou/et sex­uelle est encadrée par des mesures de pré­cau­tions afin de recueil­lir au mieux la parole et de pren­dre soin de ses émo­tions.
  • Pré­con­i­sa­tions :
    • qual­ité de l’écoute et con­sid­éra­tion  
    • infor­ma­tions rel­a­tives à la procé­dure actuelle et future
    • entre­tien con­duit de préférence par au moins deux per­son­nes

Commencer un entretien d’écoute

La per­son­ne audi­tion­née doit être aver­tie du cadre dans lequel se déroule l’écoute.

On dis­tingue :

  • l’écoute du témoignage reçu dans le cadre de la cel­lule d’écoute ou cel­lule de veille d’un étab­lisse­ment. Les écoutant·es don­neront les moyens d’orienter et d’accompagner les per­son­nes accueil­lies pour les démarch­es envis­age­ables. Il con­vient de sig­ni­fi­er que le témoignage rédigé, daté et signé est traité en toute dis­cré­tion. Il peut rester anonyme jusqu’à une cer­taine lim­ite, celle du traite­ment admin­is­tratif ou/et dis­ci­plinaire. 
  • l’écoute pour les besoins de l’enquête admin­is­tra­tive ou de l’enquête dis­ci­plinaire, avec  ce qui est atten­du d’elle, de ses droits et oblig­a­tions et des règles déon­tologiques applic­a­bles. Il con­vient alors de lui sig­ni­fi­er que le témoignage rédigé, daté et signé est sus­cep­ti­ble d’être com­mu­niqué aux juges de la com­mis­sion dis­ci­plinaire ou encore au juge admin­is­tratif ou pénal en cas de suite juri­dic­tion­nelle ; il sera com­mu­niqué à la ou aux per­son­nes mis­es en cause.

Afin que la per­son­ne se sente éclairée et con­fi­ante, il est impor­tant de répon­dre à ses ques­tions, de lui expli­quer le cadre procé­dur­al.

Une per­son­ne qui est enten­due comme témoin et qui s’estime vic­time des agisse­ments du mis en cause peut désor­mais se faire assis­ter par une per­son­ne de son choix lorsqu’elle est enten­due par la com­mis­sion d’instruction (arti­cle R. 811–29), repris dans le guide de l’IGESR,

Les enquêtes admin­is­tra­tives sus­cep­ti­bles de suites dis­ci­plinaires, (2021–116) :

« La présence d’un tiers lors d’une audi­tion : Si le témoin le demande, la présence d’un tiers (avo­cat ou autre per­son­ne, par exem­ple un représen­tant syn­di­cal ou un·e col­lègue) ne doit pas être refusée a pri­ori, même s’il ne s’agit pas d’un droit. Il faut par con­tre rap­pel­er au témoin que c’est lui que la mis­sion souhaite enten­dre. La parole du tiers « accom­pa­g­nant » ne doit en aucun cas se sub­stituer à celle du témoin. Dans l’hypothèse où le tiers souhaite man­i­feste­ment lui-même être enten­du par la mis­sion, en par­ti­c­uli­er lorsqu’il s’agit d’un délégué́ syn­di­cal, il con­vient de lui pro­pos­er un ren­dez-vous dis­tinct pour recueil­lir son témoignage » (p.14).

Comment écouter 

Il est recom­mandé de réalis­er les audi­tions en présen­tiel plutôt qu’en visio­con­férence bien que ce ne soit pas inter­dit. L’expérience prou­ve que la parole et les con­fi­dences émer­gent sou­vent lors des temps de pause ou en fin de dis­cus­sion.

Les vic­times craig­nent de ne pas être crues, ce qui con­stitue l’un des obsta­cles majeur à la libéra­tion de la parole. Il est impor­tant de ne pas met­tre en doute les pro­pos afin d’obtenir un témoignage cohérent, pré­cis et crédi­ble.  Il faut créer un cli­mat de con­fi­ance tout en ne cher­chant pas une forme de famil­iar­ité qui peut être con­tre-pro­duc­tive. En revanche, il faut enten­dre les « doutes » des auditionné·es qui peu­vent chang­er de point de vue à tout moment.

Le recueil des témoignages ne doit ni désta­bilis­er, ni met­tre les per­son­nes en dif­fi­culté. Sans brusquerie, il est utile de respecter les silences, de laiss­er du temps de réflex­ion et même des hési­ta­tions pour (re)con­stru­ire des répons­es descrip­tives.

« Le témoin peut être recadré s’il est pro­lixe ou si son pro­pos est hors-sujet mais tou­jours avec la plus extrême cour­toisie : il ne doit pas être inter­rompu inutile­ment. Il ne doit pas subir de pres­sions. En out­re, l’audition ne doit pas être l’occasion pour les inspecteurs d’exprimer leurs pro­pres con­vic­tions ou de tester leur analyse de la sit­u­a­tion ». (p.15, Guide IGESR, Les enquêtes admin­is­tra­tives sus­cep­ti­bles de suites dis­ci­plinaires, 2023-116, 5e édi­tion)

Les ques­tions se doivent d’être ouvertes et neu­tres, elles ne doivent pas induire les répons­es ni être trop intru­sives.

On pose des ques­tions avec des « com­ment » qui per­me­t­tent de décrire les sit­u­a­tions et non pas avec des « pourquoi » qui induisent des juge­ments de valeur ou qui met­tent en doute les pro­pos des plaignant·es.

Lors d’un dévoile­ment, l’attitude des écoutant·es peut faire une grande dif­férence pour la per­son­ne vic­time.

On peut réca­pit­uler en détail les faits et leur enchaîne­ment. Il est impor­tant de repren­dre les mots des plaignant·es en évi­tant d’amplifier ou de min­imiser ce qui a été vécu.

Il faut recueil­lir des témoignages pré­cis qui per­me­t­tent de faire émerg­er la stratégie de l’agresseur et la décrypter : Qu’a fait l’a­gresseur ? Com­ment ?  A‑t-il par­lé ? Que dis­ait-il ? Quelles men­aces a‑t-il proférées ? Aider la vic­time à con­fron­ter la réal­ité́ de l’a­gres­sion. S’assurer du rôle éventuel de l’al­cool, de la drogue en tant que cir­con­stances aggra­vantes.

L’objectif est d’aider les interlocuteur·ices à établir la réal­ité et la chronolo­gie, en s’appuyant sur des faits : paroles, gestes, cir­con­stances, enreg­istrements de mes­sages qui devi­en­nent les fais­ceaux de preuves.

Les auditionné·es peu­vent par ailleurs trans­met­tre aux écoutant·es, lorsqu’ils ou elles sont dans la pos­ture d’enquêteur·ices, des preuves matérielles utiles à l’enquête, telles que, pour la vic­time, des élé­ments médi­caux ou la liste de ses démarch­es.

Impar­tial­ité, neu­tral­ité et cour­toisie sont les gages d’une bonne audi­tion.

Par ailleurs les interlocuteur·ices n’ont pas à gér­er les émo­tions des per­son­nes qui écoutent, que celles-ci soient dans le cadre du recueil d’un réc­it pour accom­pa­g­n­er soient dans le cadre d’un·e enquête (admin­is­tra­tive ou dis­ci­plinaire). Elles-mêmes doivent tra­vailler à la clar­i­fi­ca­tion de leurs réac­tions et sen­ti­ments.

« Cette neu­tral­ité dans le com­porte­ment est un élé­ment essen­tiel de crédi­bil­ité de mis­sion ; toute sus­pi­cion de par­tial­ité pour­rait amen­er des doutes sur l’objectivité des con­clu­sions et être exploitée par les par­ties mis­es en cause, notam­ment au moment de la phase dis­ci­plinaire ou pénale, si le rap­port débouche sur des pour­suites ». (p.16, Guide IGESR, Les enquêtes admin­is­tra­tives sus­cep­ti­bles de suites dis­ci­plinaires, 2023-116, 5e édi­tion)

Rapport d’entretien

À l’issue de l’audition, le rap­port rédigé et signé par les rapporteur·ices doit com­porter l’exposé des faits. Le réc­it doit décrire pré­cisé­ment les vio­lences.

En matière de vio­lences sex­uelles, il est admis que la preuve des infrac­tions résulte d’un fais­ceau d’indices, qui vien­nent étay­er la parole de la vic­time. Il est donc recom­mandé de retran­scrire les paroles exactes entre guillemets, avec les mots des interlocuteur·ices et ne pas inter­préter, résumer, abréger par des expres­sions telles que : « pro­pos incor­rects » ; « remar­ques déplacées » ; « gestes inap­pro­priés… ».

On peut égale­ment not­er le lan­gage du corps et les réac­tions des per­son­nes sig­nalantes (pleurs, émo­tions, pros­tra­tions…).

« Lorsqu’il appa­raît qu’un témoin ment de manière man­i­feste, la mis­sion peut le met­tre face à ses con­tra­dic­tions ou à d’autres témoignages con­traires sans en don­ner la source. Si le témoin per­siste dans ses dires, la mis­sion lui en donne acte et le retran­scrit dans le procès-ver­bal sans chercher à obtenir un témoignage qu’elle estimerait con­forme à la vérité. Si un témoin garde le silence, la mis­sion doit essay­er de le met­tre en con­fi­ance et, par des ques­tions très larges, l’amener à s’exprimer le plus libre­ment pos­si­ble ». (p.16, Guide IGESR, Les enquêtes admin­is­tra­tives sus­cep­ti­bles de suites dis­ci­plinaires, 2023-116, 5e édi­tion)

Pour aller plus loin

Guide IGESR 2023 Les enquêtes admin­is­tra­tives sus­cep­ti­bles, de suites dis­ci­plinaires, Vade-mecum à l’usage des inspecteurs généraux (cinquième édi­tion) — N° 22–23 229A – juil­let 2023

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023–07/igesr-22–23-229a-28688.pdf

MIPROF : fiche d’aide, out­il : https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/accueillir-une-victime-de-violences-au-sein-du-couple