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27 juin 2024, CNESER, n° 1561

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo30/ESRH2419629S

Voir CE, 20 décem­bre 2023, n°468551 et CNESER, 6 juil­let 2022, n°1561

Le 11 juil­let 2019, la sec­tion dis­ci­plinaire du con­seil académique de l’université Toulouse Jean-Jau­rès a sanc­tion­né un pro­fesseur agrégé du sec­ond degré en arts plas­tiques affec­té à l’université, de l’interdiction défini­tive d’exercer des fonc­tions d’enseignement ou de recherche dans tout étab­lisse­ment pub­lic d’enseignement supérieur.

Le pro­fesseur a fait appel et le 6 juil­let 2022, le CNESER l’a relaxé, à rebours total de ce que sem­blait con­tenir le dossier et faisant sien l’argument du mis en cause d’un règle­ment de compte interne :

« Con­sid­érant de ce qui précède, des pièces du dossier et des témoignages enten­dus, il est apparu aux juges d’ap­pel que rien ne per­met de déter­min­er l’ex­is­tence de pra­tiques péd­a­gogiques de mon­sieur X con­traires aux exi­gences déon­tologiques qu’on attend d’un enseignant ; qu’il n’ex­iste aucun élé­ment probant per­me­t­tant de prou­ver que mon­sieur X a tenu des pro­pos intrusifs, insul­tants, humiliants, dégradants et dis­crim­i­nants, con­sti­tu­ant une sit­u­a­tion de har­cèle­ment à car­ac­tère moral et sex­uel ayant porté préju­dice aux étu­di­antes et étu­di­ants ain­si qu’à l’étab­lisse­ment et que la réal­ité du préju­dice n’a donc pas pu être démon­trée ; que les accu­sa­tions portées à l’en­con­tre du déféré se situent dans un con­texte de con­flit social au sein de l’u­ni­ver­sité auquel le déféré a pris posi­tion ».

Le CNESER avait préal­able­ment annulé la déci­sion de la sec­tion pour non-respect du con­tra­dic­toire.

La prési­dente de l’université ain­si que la min­istre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont for­mé un pour­voi. Le 20 décem­bre 2023, le Con­seil d’État a annulé la déci­sion du CNESER et ren­voyé l’affaire devant le CNESER pour être à nou­veau jugée (CE, 20 décem­bre 2023, 4e ch, n°468551 — https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048659338).

Le Con­seil d’État a estimé que le car­ac­tère con­tra­dic­toire  n’affecte pas l’instruction bien que la sec­tion dis­ci­plinaire n’a pas enten­du les témoins cités par le mis en cause pour cor­ro­bor­er ses déc­la­ra­tions alors qu’elle a enten­du des étu­di­antes et per­son­nels qui témoignaient à charge. 

Le CNESER stat­ue donc à nou­veau, mais réduit dras­tique­ment la sanc­tion pronon­cée par la sec­tion dis­ci­plinaire :

« Il résulte des nom­breux témoignages recueil­lis et con­cor­dants que Mon­sieur X a tenu de manière réitérée des pro­pos à car­ac­tère sex­uel ou sex­iste, sou­vent humiliants et dégradants, met­tant en cause l’apparence des étu­di­antes et étu­di­ants, leur tenue ves­ti­men­taire, leur vie per­son­nelle, jusque dans leurs aspects les plus intimes. Mon­sieur X attendait de ses élèves qu’ils se met­tent à nu, cer­taines étu­di­antes com­prenant par là qu’il attendait qu’elles fassent part de leurs pro­pres écrits sur leur sex­u­al­ité. Enfin, face à des per­for­mances réal­isées par des étu­di­antes ou étu­di­ants et s’inscrivant dans le cadre pro­posé par leur enseignant, il a tenu des pro­pos déplacés ou adop­té un com­porte­ment ambigu et inadap­té, met­tant mal à l’aise les auteurs de la per­for­mance ;

Il résulte ensuite de témoignages mul­ti­ples et con­cor­dants qu’au sein de ses cours, rég­nait une ambiance de pres­sion sur les étu­di­ants, de ten­sion, de dén­i­gre­ment faisant naître chez cer­tains étu­di­ants un sen­ti­ment d’humiliation, d’insécurité et d’anxiété et provo­quant de l’absentéisme. Pour autant, la preuve que cer­tains ou cer­taines étu­di­antes aient aban­don­né leurs études pour ces raisons n’a pu être apportée par l’université Toulouse Jean-Jau­rès ;

Il ressort égale­ment de plusieurs témoignages que, lors d’un cours, alors qu’une étu­di­ante, Madame Y, l’avait accusé de pro­pos sex­istes, il a eu une alter­ca­tion vio­lente avec cette dernière et l’a men­acée d’exclusion, ce qui a plongé celle-ci dans un état d’anxiété, de désar­roi et d’inquiétude ;

La mul­ti­plic­ité des témoignages, émanant d’étudiantes qui le plus sou­vent ne se con­nais­sent guère, leur car­ac­tère con­cor­dant, leur répéti­tion, ne lais­sent sub­sis­ter aucun doute sur la réal­ité des faits ain­si reprochés à Mon­sieur X (…) c’est à bon droit que la sec­tion dis­ci­plinaire (…) a retenu (…) l’existence de pra­tiques péd­a­gogiques con­traires au cadre déon­tologique des enseignants, ain­si que des faits et pro­pos humiliants, dégradants et dis­crim­i­nants ; que ces faits sont, à eux seuls, con­sti­tu­tifs d’une faute de nature à jus­ti­fi­er une sanc­tion dis­ci­plinaire ;

En revanche, il en ressort égale­ment que la sec­tion dis­ci­plinaire (…) a mal appré­cié les faits reprochés à Mon­sieur X en con­sid­érant qu’ils étaient con­sti­tu­tifs d’une sit­u­a­tion de har­cèle­ment moral et sex­uel. Il s’en déduit [qu’il] est fondé à deman­der l’annulation de la déci­sion du 11 juil­let 2019 de la sec­tion dis­ci­plinaire (…) Il sera fait une juste appré­ci­a­tion des faits retenus dans la présente déci­sion en prononçant une peine d’interruption de fonc­tions dans l’établissement pour une durée d’un an ».