https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/bo/2024/Hebdo30/ESRH2419629S
Voir CE, 20 décembre 2023, n°468551 et CNESER, 6 juillet 2022, n°1561
Les sections disciplinaires doivent être vigilantes sur la qualification juridique qu’elles donnent aux faits à l’origine de la sanction. Le CNESER annule en effet la sanction car la section n’aurait pas dû qualifier les faits de harcèlement sexuel et moral, motif non argumenté et assez incompréhensible au regard des faits commis.
La diminution drastique de la sanction par le CNESER n’est pas non plus argumentée.
Le 11 juillet 2019, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Toulouse Jean-Jaurès a sanctionné un professeur agrégé du second degré en arts plastiques affecté à l’université, de l’interdiction définitive d’exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur.
Le professeur a fait appel et le 6 juillet 2022, le CNESER l’a relaxé, à rebours total de ce que semblait contenir le dossier et faisant sien l’argument du mis en cause d’un règlement de compte interne :
« Considérant de ce qui précède, des pièces du dossier et des témoignages entendus, il est apparu aux juges d’appel que rien ne permet de déterminer l’existence de pratiques pédagogiques de monsieur X contraires aux exigences déontologiques qu’on attend d’un enseignant ; qu’il n’existe aucun élément probant permettant de prouver que monsieur X a tenu des propos intrusifs, insultants, humiliants, dégradants et discriminants, constituant une situation de harcèlement à caractère moral et sexuel ayant porté préjudice aux étudiantes et étudiants ainsi qu’à l’établissement et que la réalité du préjudice n’a donc pas pu être démontrée ; que les accusations portées à l’encontre du déféré se situent dans un contexte de conflit social au sein de l’université auquel le déféré a pris position ».
Le CNESER avait préalablement annulé la décision de la section pour non-respect du contradictoire.
La présidente de l’université ainsi que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont formé un pourvoi. Le 20 décembre 2023, le Conseil d’État a annulé la décision du CNESER et renvoyé l’affaire devant le CNESER pour être à nouveau jugée (CE, 20 décembre 2023, 4e ch, n°468551 — https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048659338).
Le Conseil d’État a estimé que le caractère contradictoire n’affecte pas l’instruction bien que la section disciplinaire n’a pas entendu les témoins cités par le mis en cause pour corroborer ses déclarations alors qu’elle a entendu des étudiantes et personnels qui témoignaient à charge.
Le CNESER statue donc à nouveau, mais réduit drastiquement la sanction prononcée par la section disciplinaire :
« Il résulte des nombreux témoignages recueillis et concordants que Monsieur X a tenu de manière réitérée des propos à caractère sexuel ou sexiste, souvent humiliants et dégradants, mettant en cause l’apparence des étudiantes et étudiants, leur tenue vestimentaire, leur vie personnelle, jusque dans leurs aspects les plus intimes. Monsieur X attendait de ses élèves qu’ils se mettent à nu, certaines étudiantes comprenant par là qu’il attendait qu’elles fassent part de leurs propres écrits sur leur sexualité. Enfin, face à des performances réalisées par des étudiantes ou étudiants et s’inscrivant dans le cadre proposé par leur enseignant, il a tenu des propos déplacés ou adopté un comportement ambigu et inadapté, mettant mal à l’aise les auteurs de la performance ;
Il résulte ensuite de témoignages multiples et concordants qu’au sein de ses cours, régnait une ambiance de pression sur les étudiants, de tension, de dénigrement faisant naître chez certains étudiants un sentiment d’humiliation, d’insécurité et d’anxiété et provoquant de l’absentéisme. Pour autant, la preuve que certains ou certaines étudiantes aient abandonné leurs études pour ces raisons n’a pu être apportée par l’université Toulouse Jean-Jaurès ;
Il ressort également de plusieurs témoignages que, lors d’un cours, alors qu’une étudiante, Madame Y, l’avait accusé de propos sexistes, il a eu une altercation violente avec cette dernière et l’a menacée d’exclusion, ce qui a plongé celle-ci dans un état d’anxiété, de désarroi et d’inquiétude ;
La multiplicité des témoignages, émanant d’étudiantes qui le plus souvent ne se connaissent guère, leur caractère concordant, leur répétition, ne laissent subsister aucun doute sur la réalité des faits ainsi reprochés à Monsieur X (…) c’est à bon droit que la section disciplinaire (…) a retenu (…) l’existence de pratiques pédagogiques contraires au cadre déontologique des enseignants, ainsi que des faits et propos humiliants, dégradants et discriminants ; que ces faits sont, à eux seuls, constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
En revanche, il en ressort également que la section disciplinaire (…) a mal apprécié les faits reprochés à Monsieur X en considérant qu’ils étaient constitutifs d’une situation de harcèlement moral et sexuel. Il s’en déduit [qu’il] est fondé à demander l’annulation de la décision du 11 juillet 2019 de la section disciplinaire (…) Il sera fait une juste appréciation des faits retenus dans la présente décision en prononçant une peine d’interruption de fonctions dans l’établissement pour une durée d’un an ».